— Mais pourquoi tout cela ? Qu’est-ce que cela veut dire ? put enfin bégayer Prince.
Athanase prit un temps, toussa pour s’éclaircir la voix et, avec une emphase persuasive :
— La police française veut cacher la fugue d’un prétendant, qui est venu conspirer en France et lui a échappé. La position de plusieurs hauts fonctionnaires est en jeu, il y a des députés compromis…
— Des députés à présent… Oh ! ma tête ! ma tête !
— Je m’explique. Le prétendant, muni d’appuis et de capitaux, est parti, sans avoir été arrêté, vers les pays jaunes, où il veut se tailler un royaume avec l’aide des Japonais victorieux.
— Bon !
— C’est là un motif de complications avec la Russie, l’Angleterre, l’Allemagne, avec tous les pays européens qui ont des intérêts là-bas.
— En quoi cela me touche-t-il ?
— Vous ne saisissez pas… c’est pourtant simple.
— Simple, gémit le jeune homme… ; jamais simplicité ne m’apparut plus complexe.
Mariole lui appuya la main sur l’épaule.
— Eh bien, l’on est venu chez moi de la Préfecture.
— Chez vous ?
— Parfaitement, on voulait savoir où vous rencontrer parce que, pour disqualifier le prince, et calmer toutes les susceptibilités diplomatiques, il était question de…
— De… ? achevez, vous me mettez sur des charbons.
— De vous faire assassiner.
— Hein ?
— Comme je vous le dis.
Du coup, Albert se prit la tête à deux mains et d’un ton où pointait un commencement de colère :
— En quoi ma mort eût-elle disqualifié le prince ?
— C’est le prince de Tours.
— Le… ? Et alors, moi Prince…
— De Tours, avec une virgule après Prince…
— Que vous n’avez marquée ni sur ma valise ni sur mes bagages.
Avec un aplomb renversant, Mariole répliqua :
— Pardon, je l’avais marquée… On a des lettres, mon cher ami, et l’on ne néglige pas un signe aussi important qu’une virgule.