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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Monsieur Gaylin, je crois, prononça le jeune homme encore mal revenu de sa surprise ?

— Lui-même, mais je reviendrai, je vois que vous avez du monde…

— Des amis pour lesquels je n’ai point de secret.

M. Gaylin salua Mariole et Tiennette avec cette courtoisie particulière aux officiers de marine, puis gracieusement :

— Alors, je remplis ma mission.

— Une mission ? répéta Prince.

— Délicate, j’ose le dire. Mais si l’expression me trahit, je vous supplierai de songer seulement à l’intention respectueuse et dévouée.

Prince jeta un coup d’œil vers Mariole.

Évidemment il implorait le secours de l’agent, car le ton, l’attitude du second du Canadian le troublaient. Il n’était point accoutumé à se voir, lui représentant de commerce, bombardé de respect, de dévouement. Et cela le troublait prodigieusement de sentir ces sentiments se déverser en pluie sur sa personne. Toutefois il réussit à répondre assez dignement :

— Je vous écoute, monsieur.

— Voici la chose. Respectueux d’un incognito…

— Ah ! l’incognito… fit légèrement Albert aussitôt rappelé à l’ordre par un coup de coude de Tiennette.

— Incognito dont les motifs doivent échapper à notre curiosité ; nous éprouvons, le capitaine et moi, une tristesse à la pensée que l’héritier d’une couronne est contraint de descendre du trône à une cabine de deuxième classe.

Albert ouvrit la bouche. Mariole posa sans façon son pied sur celui du jeune homme…

Et comme l’agent pesait exactement 184 livres, les orteils d’Albert furent comprimés à ce point que la parole, peut-être imprudente, qui allait jaillir de ses lèvres se transforma en un cri de souffrance.

L’officier sursauta :

— Qu’arrive-t-il à Votre Altesse ?

Il se reprit bien vite :

— Non, c’est ma langue qui a fourché ; je voulais dire : Que vous arrive-t-il, monsieur ?

— Oh ! rien, du tout.

— Pourtant ce cri ?

Mariole jugea prudent d’intervenir.

— Un cri n’est rien, cher monsieur. Comme les paroles, les cris volent…