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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

La science n’a encore pu déterminer à quelles circonstances ce curieux cours d’eau doit ces propriétés remarquables, qu’il conserve sur tout son parcours, soit plus de huit cents kilomètres.

Les Indiens, avec la paresse qui les caractérise en dehors des heures d’action, dormaient pour la plupart, à l’ombre de blacktrees (sorte d’épine noire au bois résistant).

Enveloppés dans leurs couvertures de feutre grisâtre, leurs traits énergiques striés de trois touches d’ocre jaune indiquant les tendances pacifiques des travailleurs, comme l’ocre rouge alternant avec filets bleus décèle le chasseur ou le guerrier sur la piste d’un ennemi, ils offraient l’image de statues de bronze.

Près d’un feu sur lequel était suspendue une marmite, deux veillaient.

Ceux-là avaient établi leur foyer à l’écart, sur une légère extumescence du sol entièrement dénudée. À l’approche de leur chef Flèche de Fer tous deux dressèrent la tête et sur un geste impératif de celui-ci, le plus jeune se leva et le suivit à l’écart.

On eût dit que le Peau-Rouge voulait se mettre à l’abri des écouteurs indiscrets. Aussi, dès qu’il eut été rejoint par l’Indien, fut-ce d’une voix à peine perceptible qu’il prononça :

— Nous partons demain, monsieur Kozets.

L’autre tressaillit :

— Tant mieux, seigneur Dodekhan, car je ne vous cacherai pas que ce jeu de l’Indien…

— Vous ennuie, monsieur Kozets ?

— Non… mon service est trop largement payé pour m’ennuyer jamais ; cependant…

— Vous ne serez pas fâché de retourner chez master Topee, à Swift-Current…

— Je l’avoue.

— Et d’y retrouver une certaine générale comtesse, modiste de son état…

L’agent russe eut un geste de protestation.

— Seigneur Dodekhan, croyez bien…

Le pseudo-chef indien se prit à sourire :

— Je crois ce que je dis, monsieur Kozets… ; après tout, je ne vois aucun mal, à ce que vous recherchiez la compagnie d’une charmante et brave petite Parisienne… Mais, laissons cela… Le chariot que nous avons acheté à Montréal ?…