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LE PRINCE VIRGULE.

Deux hommes s’approchèrent de la milliardaire, l’enlevèrent sans effort apparent, et chargés de ce gracieux fardeau, gagnèrent le petit bois d’érables.

Personne n’avait bougé.

— Ils dorment bien, dit encore Flèche de Fer.

— Oh ! repartit l’Indien, lequel n’était autre que M. Kozets, la Mousse Ranitobean est une fidèle semeuse de sommeil… Ils se réveilleront à l’heure où le soleil touchera les crêtes des Montagnes Rocheuses.

— Bien. Je serai de retour. Le chariot est bien là où il est convenu ?

— Oui.

— Parfait ! occupez-vous du reste.

Sur ce, il s’enfonça à son tour sous les érables.

Le bois traversé, il aperçut son cheval tenu en mains par les Kris qui avaient servi de porteurs à Laura.

La jeune fille était déjà attachée en travers de la selle.

D’un bond, l’ex-forçat de Sakhaline fut à cheval.

— Retournez près de vos frères, ordonna-t-il.

Les guerriers s’inclinèrent.

— Et surtout, que l’on ne boive pas. Que l’on réserve les libations, les chants et les danses pour le moment où, sur les rives boisées de la rivière de la Biche, nous n’aurons plus rien à redouter.

Puis il éperonna sa monture.

Bientôt, les fers du quadrupède sonnèrent sur un sol rocheux, dénudé.

— Ici, la trace sera perdue, fit le cavalier avec un sourire.

Et narquois :

— C’est drôle comme on est apte aux ruses de la prairie, lorsque l’on a lu le Coureur des bois de ce pauvre Gabriel Ferry.

Mais bientôt, sans quitter le plateau rocheux qui trouait la croûte de terre de la prairie, il fit volter son coursier et se lança à toute bride dans une direction opposée à celle qu’il avait prise au départ.

Deux heures plus tard, il revenait, mais seul : Laura avait disparu.

Son cheval, couvert de sueur, soigneusement bouchonné, fut mené auprès de ceux des guerriers de la troupe.

Après quoi, le jeune homme rentra dans le cirque de Désastre-Rocks.

L’aspect en était curieux.

Les invités de Topee n’avaient point bougé. Quelques-uns avaient bien glissé de leurs chaises sous la table, mais tous dormaient.

Quant aux Peaux-Rouges, groupés dans la bande d’ombre violacée du rocher, ils regardaient, une diabolique malice dans les yeux.