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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

d’ailleurs, sache que je me suis ménagé une ligne de retraite. Oh ! la maison n’a qu’une issue apparente. À quoi bon en avoir deux. L’ennemi les garde et voilà tout. Tandis qu’une issue ignorée ne se garde point, et celle dont je parle est bien ignorée, car elle n’existe pas encore.

Et comme je le considérais étonnée.

— Si l’on vient perquisitionner, soutiens hardiment que, seule, tu habites cette maison, avoue que tu espérais me voir à Moscou où l’on t’avait annoncé mon passage. Puis rejoins ton mari et ne songe plus jamais à me rendre visite en Russie. Va, ma fille, je te rendrai ta visite en d’autres contrées, moins dangereuses pour moi.

— Mais enfin, si ce que vous craignez se réalise, comment fuirez-vous ? Je vous obéirai en toutes choses ; seulement, je vous en prie, expliquez-moi pour que je sois rassurée.

Il passa sa main sur mes cheveux, comme il le faisait alors que j’étais enfant.

— Petite curieuse ; je t’excuse, car cette curiosité-là vient du cœur.

Et baissant la voix :

— J’ai une cachette sûre, entre deux planchers. J’y ai serré des armes, des provisions pour huit jours, le temps nécessaire à percer un mur, à créer l’issue que personne ne soupçonnera.

Il mit un baiser sur mes yeux.

— Oublie cela. Pour garder le silence, la mémoire est inutile. Et maintenant, en attendant la police, jouissons du plaisir d’être ensemble.

Il ne devait pas être long, le plaisir.

Le soir même, des gens de la police envahissaient la maison, la fouillaient avec rage, et ne trouvant que moi, ils m’entraînaient avec eux, me jetaient en prison.

Je me réclamai du consul de France.

On me rit au visage. On me répondit.

— Il n’y a pas de nationalité qui tienne. Vous êtes arrêtée pour complot politique, affiliation à la secte nihiliste, terroriste, complicité avec le chef Dilevnor.

Je me récriai ; alors les tortionnaires ajoutèrent :

— Vous avez un moyen bien simple de prouver votre innocence. Apprenez-nous où se cache Dilevnor.

Cela dura huit longues journées. Je savais que de mon silence dépendait le salut de celui qui avait veillé sur ma jeunesse. Aussi, magistrats et policiers eurent-ils beau multiplier les interrogatoires, me tendre les pièges