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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/26

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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Avec lui je revins en France où naquit mon fils, mon petit Albert.

— Albert, répéta Dodekhan, comme pour graver ce nom dans sa mémoire, Albert Prince.

Elle, inclina la tête pour affirmer, puis la voix assourdie :

— J’étais heureuse. Je pensais avoir atteint le terme de mes souffrances. Hélas ! ce n’était qu’une embellie.

Ingénieur des mines, mon mari fut appelé au Caucase pour mettre en valeur une concession minière.

Nous nous installâmes à Tiflis.

Là, un des affiliés déjà nombreux de Dilevnor me reconnut. Il m’indiqua la retraite du proscrit, à cet instant caché dans la ville sainte, dans Moscou, défiant la police russe par l’audace même du choix de son gîte.

Ah ! le revoir, c’était une joie, mais c’était plus encore un devoir. N’avait-il pas, durant de longues années, embarrassé sa marche, doublé les dangers suspendus sur sa tête, pour me protéger, me soigner, me conduire au bonheur ?

Jamais je n’avais entretenu mon mari du but mystérieux poursuivi par mon second père. Il y avait là un secret qui ne m’appartenait pas, dont je ne me reconnaissais pas le droit de disposer.

Je lui dis donc simplement que mon père devant passer à Moscou, je serais heureuse de m’y rendre pour l’embrasser.

Prince ne savait rien me refuser.

— Vas donc à Moscou, chère femme, répondit-il seulement.

Et je partis, accompagnée à la gare par l’époux tendrement aimé, par mon petit Albert, alors âgé de deux ans, et que portait une superbe nourrice géorgienne, au diadème de soie et d’or, au costume théâtral et gracieux.

Quand le train s’ébranla, mon cœur se serra.

Pourquoi ?

Mystère ! Je ne me doutais aucunement que je venais de voir mes aimés pour la dernière fois.

Hélas ! la méchanceté des hommes ne s’endort jamais.

Ma présence à Tiflis avait été signalée à la police russe. Sans le savoir, j’étais épiée, surveillée ainsi qu’une criminelle. Dilevnor ne s’y trompa pas.

Aussi, quand j’arrivai dans l’asile qu’il s’était ménagé, à cent mètres du Kremlin, il me prit longtemps dans ses bras, et me dit seulement :

— Je profite de ce moment, ma chérie, car peut-être est-ce le seul instant où je pourrai te presser sur mon cœur.

— Oh ! père, répondis-je, pourquoi de pareilles idées ?

— Parce que je connais la police russe, mon enfant. Quoi qu’il advienne