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LE PRINCE VIRGULE.

Les agents, naguère escorte, maintenant témoins, s’étaient assis en arrière des fiancés, sur deux rangs.

Le chef rouge, lui, s’adossa au mur.

Sa figure était impassible ; mais son regard brillait, ses lèvres frémissaient.

— Mes frères, commença Tiburcius, mes amis…

Il s’arrêta net, regarda ses pieds, son tapis, puis ses hôtes.

Orsato et Laura avaient pris une attitude recueillie ; mais sur les traits du señor, sur ceux des hommes de police, se reflétait une part de la surprise peinte sur ceux du révérend.

Tous avaient ressenti un fourmillement sous la plante des pieds, et chacun avait oublié un moment l’acte grave qui allait s’accomplir, pour murmurer :

— J’ai des fourmis sous les pieds… c’est bien agaçant.

Mais le chatouillement avait cessé. Les faces exprimèrent derechef la satisfaction, et Tiburcius, l’air épanoui, reprit :

— Chers amis, vous qui, vous appuyant l’un sur l’autre, désirez parcourir le pèlerinage de la vie…

Il marqua ici un point d’orgue prolongé, tout en agitant la jambe droite de façon bizarre.

Sympathie probablement, la jambe gauche d’Orsato Cavaragio se prit à se trémousser également. Respect probablement, pour leur chef, les agents remuèrent vigoureusement leurs tibias.

Laura et Flèche de Fer, seuls, conservaient la tenue décente de rigueur en pareille circonstance.

— Je vous demande pardon, fit enfin le révérend, je ne sais pas ce que j’ai.

— C’est comme moi, gronda le señor.

— C’est comme nous, appuyèrent les agents.

— Une démangeaison.

— Moi également.

— C’est tout à fait insupportable.

— À qui le dites-vous ?

Rapprochés par cette confidence d’une souffrance commune, tous se sourirent.

Tiburcius murmura :

— Je reprends ; encore une fois, pardon.

— Il n’y a pas de quoi… ; se gratter est une nécessité fâcheuse et non une injure.