gaieté, se rengorgea avec les grâces d’un dindon aux prises avec un noyau de pêche.
Deux à deux, leurs chapeaux pudiquement baissés, tels des boucliers, voilant leurs traits aux regards curieux, les salutistes se rangèrent sur le quai.
À toutes les portières, les têtes de voyageurs se pressaient. Les racontars allaient leur train.
— C’est toute une bande de robbers (voleurs).
— Ils devaient faire dérailler le train…
— C’est une conspiration de nègres contre le président de l’Union.
Puis, au commandement de Turncrof, la gracieuse phalange s’ébranla entre une double haie de policemen.
À la sortie, les tickets furent remis au chef de gare qui les compta.
— Vingt-deux.
— Autant que de salutistes, fit triomphalement la capitaine.
Ce à quoi le chef des policiers répondit par cette phrase, dont l’officière se sentit atteinte en plein cœur.
— Oui, il n’y a pas eu adjonction, mais substitution.
— Quelle substitution ?
— Les pick-pockets ont remplacé les salutistes.
Elle haussa violemment les épaules :
— Il n’y a rien de cela. Il y a vingt-deux jeunes filles.
— En vous comptant ? fit malicieusement le policier.
— Oui, bien, en me comptant.
— Parfaitement ! Alors, c’est tout à fait ce que je disais.
Le sel de cette dernière phrase échappa à la capitaine, qui considéra son interlocuteur du coin de l’œil, avec une expression que l’on eût pu traduire par :
— Ce personnage est un imbécile dans l’acception la plus complète du mot.
On sortait de la gare, et l’on débouchait sur un vaste rond-point, d’où partait, à travers champs, une route large, poussiéreuse, bordée de jeunes arbres, que soutenaient des tuteurs en fer.
À droite de la place, un hôtel de vastes dimensions dressait sa façade percée de fenêtres agrémentées de balcons.
C’était là qu’on allait conduire le détachement salutiste.
— Attention ! modula tout bas Dodekhan dont les mains se posèrent sur les épaules de Laura et de Prince.