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LE PRINCE VIRGULE.

Au premier étage, par une croisée ouverte, les jeunes gens voyaient passer et repasser une femme d’une trentaine d’années, brune, potelée, accorte, aux mouvements prestes, qui vaquait aux soins de son ménage, sans paraître soupçonner que, de l’hôtel voisin, des regards indiscrets pouvaient peser sur sa vie privée.

Au-dessous, au rez-de-chaussée, une porte grillée, dont la grille était repliée sur elle-même, se couronnait d’un écriteau :

Police Habillement.


indiquant aux profanes que, là, étaient situés les magasins d’habillement de la caserne.

Un homme, ayant rang de lieutenant, venait de temps à autre sur le seuil, agité, nerveux, échauffé.

Il semblait aspirer avec plaisir quelques gorgées d’air frais, puis il rentrait en criant :

— Les pantalons n° 2, 3e taille, case 127.

Ou bien encore :

— Vestes d’exercice, 1re taille, 63, cases 19 et suivantes.

De sorte que personne, dans le quartier, ne pouvait ignorer que le lieutenant Soda, officier d’habillement des horse-policemen, procédait à un rangement général des effets confiés à sa garde.

Puis le lieutenant sortit avec six hommes, en laissant un septième de planton devant la porte.

— Manny, dit-il d’une voix sonore, dont retentit toute la rue, vous ne bougerez pas d’ici.

— Non, lieutenant.

— Même si vous aviez soif.

— Si j’avais soif, je mâcherais un bouton de culotte, mais je ne bougerais pas.

— Cela est bien… Vous concevez que cela est aussi très important. Les recrues arriveront aujourd’hui, et il importe de les équiper séance tenante.

— Bien, lieutenant.

Soda approuva d’un signe de tête. Le vieux policeman, non pas blanchi, mais devenu grisonnant sous le harnais, lui plaisait par sa correction grave, son attitude impeccable, son souci de la discipline.

— Je sais que je puis compter sur vous, Manny. Aussi, je m’éloigne sans inquiétude.