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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Et il avait bien tort.

Si, en effet, il en avait sérieusement cherché la cause, il eût découvert, dans trois de ses paniers, des denrées tout à fait anormales et qui jamais, à sa connaissance, n’avaient figuré ainsi au marché de Nevada.

C’étaient, on l’a deviné, Laura et ses compagnons, toujours en policemen.

Emportés dans leurs paniers, ils s’étaient tenus cois tant que le roulement de la charrette les avait avertis du mouvement de celle-ci.

Puis on avait cessé de rouler.

À certaines secousses, les prisonniers comprirent qu’on les transportait… où ? Ils l’ignoraient. Et tout naturellement, ils cherchèrent à le savoir.

Laura avec son canif, Prince et Dodekhan, avec des couteaux plus volumineux, réussirent à couper les liens qui maintenaient la clôture hermétique des couvercles. Soulevant ces obstacles avec précaution, ils reconnurent qu’ils se trouvaient aux halles, au milieu d’un entassement de légumes indescriptible.

Impossible de sortir dans un endroit aussi fréquenté. Il fallait attendre.

Les couvercles, un instant soulevés, retombèrent et chacun des captifs se plongea dans ses réflexions.

Seulement, ces réflexions furent bientôt troublées par un appel tout physique de la nature.

Depuis leur sortie de l’hôtel des Montagnes-Neigeuses, les fugitifs n’avaient absorbé aucun aliment.

Les émotions des heures précédentes, les transes de la salle de police, la joie de la fuite, tout cela avait pallié pour un moment les récriminations de l’appétit non satisfait.

Mais maintenant, en plein repos, la certitude de l’évasion semblant acquise, la nature reprenait impérieusement ses droits.

Presque en même temps, les trois couvercles s’entre-bâillèrent.

Les yeux de Laura, de Prince, de Dodekhan, se rencontrèrent, explorèrent les alentours et se fixèrent bientôt sur le tabouret, où Samuel venait de disposer les vivres destinés au repas de son frère et au sien.

La faim des fugitifs, sollicitée par les émanations du jambon, du fromage, devint fringale et fringale furieuse.

Si furieuse même que Prince, songeant que Laura était à jeun, s’oublia jusqu’à pousser un véritable grognement de convoitise.

Plouf ! les trois couvercles s’abaissèrent prudemment.

Les frères Fournier se retournèrent, considérant leur droite, leur gauche ; puis, les yeux dans les yeux :