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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

Il riait, les frères Fournier riaient aussi.

— Ça ferait une fameuse futaille tout de même, ma suffisance pendant septante années. Faut-il que la terre en produise de cette vigne, pour que l’homme boive à sa soif !

Et sur cet hommage naïf à la fécondité de la croûte terrestre, le brave homme porta la main au vieux képi d’uniforme qui couvrait son chef grisonnant.

— Mais je vous tiens là… vous étiez en train de vous garnir l’intérieur. Faut pas que je vous empêche… La nourriture, voyez-vous, c’est sacré. Bien le bonsoir, messieurs et dames et la compagnie.

Soudain, le gardien s’arrêta :

— Il est traître, votre petit picolo.

— Traître ?

— À preuve qu’il trouble l’œil. Est-ce que je n’ai pas cru qu’un de vos paniers remuait.

— Un panier ?

Samuel et Jephté se retournèrent vivement, et restèrent les yeux fixés sur les mannes d’osier qui, bien entendu, conservèrent la plus parfaite immobilité.

Le gardien avait regardé comme eux.

— C’était stupide, dit-il.

— Un étourdissement, peut-être.

— Ça, ou le picolo… Que voulez-vous, on vieillit, on n’a plus sa tête de jeune homme.

Et, d’un pas lent, le vétéran s’éloigna.

C’était son habitude de se montrer dans le marché à l’heure du déjeuner.