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Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/41

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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

Le brigadier sortit en courant.

Stanislas Labianov endossait sa pelisse, se coiffait de la toque de fourrure, portant au frontal les signes de son grade. Cela fait, il se retourna vers Kozets. Le policier était prêt. Il l’avait imité de tout point. Tous deux sortirent.

Au dehors, le factionnaire qui marchait de long en large pour combattre le froid, s’arrêta un instant, et de l’épaisse capote de feutre à capuchon qui le couvrait, sortirent ces paroles :

— Salut, Excellence.

— Bonsoir, mon brave, riposta le général sans s’arrêter.

La température était glaciale. Une bise aigre sifflait à travers les branches des sapins de l’avenue du Gouvernement. Sous les pieds des promeneurs nocturnes, la neige glacée craquetait.

De loin en loin retentissait le cri sinistre d’un oiseau de nuit en chasse, ou l’appel désolé d’un carnassier affamé, rôdant aux abords de l’agglomération, avec la vague espérance d’une proie problématique.

— Où allons-nous ? questionna Kozets.

— Chez le docteur d’abord.

— À cette heure, il sera couché.

— Point. Ce digne homme a appartenu à l’Université de Varsovie, et il y a perdu l’habitude de dormir avant deux heures du matin.

Le policier n’insista pas.

Cinq minutes plus tard d’ailleurs, après avoir laissé en arrière les baraquements des condamnés où régnait le silence le plus complet, le gouverneur et son compagnon atteignaient la cahute, dénommée Laboratoire, du gouvernement.

Une lumière filtrait à travers les contrevents. Labianov la montra à l’agent :

— Vous voyez.

Le docteur travaillait, comme l’avait prévu le général. Il était plongé dans la lecture d’un énorme in-folio, et le carafon de cognac, — le praticien avait une préférence marquée pour les esprits de France, — montrait son intention de prolonger la veillée.

À l’entrée des visiteurs, il se retourna, et sans se déranger :

— Bonsoir, messieurs… Ah ! général, je devine ce qui me vaut si belle visite… La maladie soudaine de nos deux gardiens… Vous voulez savoir… Ah ! ah !… moi aussi, je voudrais savoir… Le diable est que je n’y conçois rien.