Page:Ivoi - Millionnaire malgré lui.djvu/433

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
414
MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

— Une sœur, aimer autant qu’une fille. Il faut avoir le titre de tante pour raisonner pareillement.

Cependant, Mme Olga, femme aimable d’environ quarante-cinq ans, offrant dans ses traits, sa structure, sa façon d’être, une frappante ressemblance avec le général Labianov, se tenait à demi étendue sur un divan, occupant un panneau de son salon, luxueusement meublé à la russe, c’est-à-dire d’objets, de sièges, de meubles, de bibelots, de tableaux empruntés à l’Orient et à l’Occident, donnant l’impression d’une race de transition, trait d’union ethnique entre les aryens de la presqu’île, européenne et les Mongols du vaste plateau asiatique.

Après un silence, elle se pencha légèrement en avant.

— Enfin, ma chère petite nièce, le Dieu de la Sainte Russie tient notre sort à tous dans sa main. Nous sommes, toi, une enfant ; moi, une femme sans force. Nos paroles, nos angoisses ne changeront rien à ce qui doit advenir. Nous pouvons seulement prier pour ceux qui sont en danger.

— Prier !

Dans ce mot, toute la volonté de Mona se révélait.

Certes, elle était fervente orthodoxe ; certes, elle se prosternait avec foi devant les saintes Images du rite grec ; mais l’oraison achevée, le tempérament courageux, combatif, qu’elle tenait de son éducation autant que de sa nature, reprenait le dessus.

Ayant imploré l’Infini, Mona recherchait l’Action humaine. Elle n’était point la fillette frêle qui attend passivement le résultat des conflits ; elle voulait y prendre part, agir en un mot.

Alors que sa tante Olga, avec le fatalisme moscovite, semblait avoir pris pour devise :

— Prie et Dieu décidera !

La fille du général Labianov eût volontiers adopté la devise française de notre bon La Fontaine :

— Aide-toi, le ciel t’aidera.

Toutefois Olga s’étant levée et faisant signe à Mona de la suivre, celle-ci ne résista pas.

Dans les traces de sa tante, elle gagna un petit oratoire, voisin de la chambre à coucher de l’excellente dame, et s’agenouilla auprès d’Olga devant les Icônes saintes.

Quand elle se releva, on eût cru qu’une métamorphose morale s’était opérée en elle.