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LE PRINCE VIRGULE.

à l’époque de mon départ. Car c’est de là que date la première raison de mon retour.

— Que dis-tu ?

— La vérité. Tu vas en juger.

Et successivement, elle dit sa sympathie pour le forçat 12, sa joie intime en apprenant qu’il s’était évadé ; puis le traîneau l’emportant sur le détroit glacé de Sakhaline, la poursuite des loups, la chute de Vas’li, la soudaine apparition de Dodekhan, caché dans l’étui de peau de phoque, où la jeune fille croyait enfermées les pelleteries destinées à sa tante Olga.

Le visage du gouverneur décelait la surprise.

— C’est un hardi coquin, grommela-t-il entre haut et bas.

Elle secoua la tête avec énergie.

— Non, père.

— Comment non ?

— J’ignore son véritable nom ; j’ignore ce qu’il est ; mais un coquin n’aurait pas ses traits loyaux, son regard clair, sa voix sincère. Écoutez du reste, je n’ai pas fini.

Et le récit fut repris.

Elle narra au général, de plus en plus étonné, comment, après l’avoir sauvée des loups, Douze avait disparu à Khabarovsk ; comment elle avait reçu sa lettre à Vladivostok, comment il avait reparu en institutrice anglaise, en Mrs Mary Maryly, juste à point pour tirer, et elle Mona, et ses compagnons des mains des Japonais.

Elle décrivit le reste du voyage, le don du laissez-passer fait par l’ex-forçat, laissez-passer qui, alors qu’elle revenait vers Sakhaline, avait déblayé sa route de tout obstacle, puis la séparation à Saint-Pétersbourg : elle se rendant chez sa tante avec Lisbe, lui continuant son voyage vers l’Allemagne, en tête à tête avec le policier Kozets.

Labianov, très intéressé, ponctuait ses phrases d’exclamations.

Évidemment l’ex-forçat prenait, pour lui aussi, l’apparence d’un homme supérieur, d’une audace, d’un courage et d’un sang-froid exceptionnels.

— Or, conclut Mona dont les yeux brillaient de plaisir en voyant les préventions du gouverneur se fondre peu à peu ; voici la raison déterminante qui me vaut le bonheur d’être auprès de toi.

Et se serrant davantage contre la poitrine de son père.

— Ce papier qui m’a protégé, te protégera aussi. Quand la lutte sera finie, que tu auras fait tout ce que la patrie russe peut exiger du soldat, redeviens père, et laisse-moi tâcher de me conserver mon cher papa bien-aimé.