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MILLIONNAIRE MALGRÉ LUI.

fumées chassées de l’intérieur lui apportent des odeurs qui surexcitent encore son appétit. Il voudrait attaquer la chaumière écartée, il n’ose. Alors il se met en quête, rejoint d’autres errants comme lui. La bande de loups se forme, plus audacieuse, plus féroce à mesure qu’elle augmente en nombre.

Pour donner une idée de l’état où la faim et l’association portent ces quadrupèdes, il suffit de rappeler qu’en dépit du proverbe connu, les loups arrivent à se manger entre eux.

Que durant une chasse, une battue, un loup soit blessé : la vue de son sang paraît affoler les autres qui se ruent sur lui et le dépècent encore vivant.

Tels étaient les dangereux adversaires qui se montraient sur le chemin des voyageurs.

— Pensez-vous qu’ils nous attaquent ?

À la question de Mona, le lieutenant ne répondit que par un haussement des épaules.

Il regarda en arrière.

Des autres traîneaux, on avait aussi aperçu les animaux. Le jeune homme remarqua que les cosaques avaient pris leurs mousquetons et se tenaient prêts à saluer d’une fusillade nourrie l’attaque des carnassiers.

— Si nous ralentissions un peu, pour donner aux autres le temps de nous rejoindre ? proposa la jeune fille.

L’officier secoua la tête :

— Il faut au contraire augmenter la distance.

— L’augmenter ?

— Oui, chaque traîneau doit conserver la plus grande liberté de mouvements. Dans une battue aux loups, la véritable tactique est celle qui se traduit par la devise ordinairement égoïste : « Chacun pour soi ».

L’affirmation était exacte.

Lors de l’attaque des loups, il importe avant tout que rien n’entrave la vitesse d’un traîneau, cette vitesse même étant sa sauvegarde. Dès lors, les véhicules s’espacent, afin qu’un faux mouvement de l’un ne se répercute pas sur tous les autres.

L’évidence de la proposition ne frappa point l’institutrice.

— Mais alors, nous sommes les plus exposées grandement.

— Pourquoi ?

— Parce que dans les autres « brogs » (nom donné aux traîneaux dans la région) il y a douze ou treize fusils, tandis qu’ici, vous avez votre seul revolver… et encore vous êtes obligé de veiller à l’attelage.