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L’HÉRITAGE DE LA « FRANÇAISE ».

L’objection, rationnelle en soi, était cependant en réalité entachée de fausseté. Plus léger, le traîneau devait se déplacer bien plus rapidement que ceux de l’escorte.

Sans doute, quelques loups se lanceraient à sa poursuite ; mais le plus grand nombre concentreraient leur effort sur les « brogs » les moins véloces, partant plus aisés à atteindre, au moins en apparence.

Et Vas’li tentait d’expliquer à la tremblante Lisbe que leur sécurité relative venait précisément de leur petit nombre, quand son discours fut brusquement coupé par un second hurlement, rauque, douloureux, prolongé.

On eût cru que c’était un signal.

Brusquement les crêtes glacées se couronnèrent de silhouettes noires aux mouvements désordonnés.

Une série de glapissements brefs sonnèrent, et toute la bande, en une allure de trombe, fonça dans la direction des traîneaux.

L’attaque se dessinait.

Dans l’air, la gaule de Vas’li décrivit des courbes, s’abattant avec des sifflements sur l’échine des chiens. Ceux-ci bondirent en avant, imprimant au véhicule une allure vertigineuse.

Mona regarda en arrière.

Les traîneaux d’escorte avaient brusquement fait un à-gauche, et ils filaient à une vitesse endiablée, suivant une perpendiculaire à la côte.

La manœuvre, indiquée tout à l’heure par le lieutenant, s’opérait donc sans hésitation.

Au surplus, la jeune fille constata avec une secrète satisfaction que les prévisions de l’officier semblaient se réaliser de point en point.

Le gros des assaillants bondissait dans les tracés des cosaques.

Une douzaine de grands loups fauves se dirigeaient seuls sur le véhicule que conduisait Vas’li.

Lisbe avait suivi la direction des regards de son élève.

Elle vit les fauves, et dans un accès de folle terreur, elle se prit à pousser des cris aigus, déchirant les oreilles comme un sifflet de locomotive.

La course s’accélérait.

Plus n’était question d’éviter les bosses qui mamelonnaient la route. Le traîneau filait, sans souci des rugosités de la surface glacée.

Peu importaient les secousses, les cahots. Ce qu’il fallait, c’était parcourir le plus de chemin possible en ligne droite.

Et oscillant, tanguant, roulant, tel une barque sur une mer démontée, l’esquif terrestre dévorait l’espace, emporté par son attelage affolé.