— Mais voir, sapristi, vous croyez quoi ?
— Ce que la duchesse m’a dit. Dans la bibliothèque plongée dans l’obscurité, sur une sorte d’écran, comme un cinématographe…
— Un téléphote sans fil ! rugit le romancier. J’y suis ; oui, oui, les colonnes creuses ne servaient pas seulement à transmettre la voix, elles transmettaient aussi les rayons lumineux, les images !
Mme Marroy l’écoutait de plus en plus satisfaite.
— Alors, cela vous paraît possible à vous ?
— Tout à fait.
— Tant mieux. Moi, vous concevez, j’ai cru parce que… j’ai cru ; mais je suis heureuse que vous aussi. Vous comprenez, cela fait disparaître mes derniers doutes.
— Et enfin, que virent-elles sur l’écran ?
— Ce qu’elles virent ?
Et la narratrice prit une mine affligée, ses mains se crispèrent l’une sur l’autre.
— Elles virent, dit-elle d’une voix sourde, une salle d’un palais indien où elles avaient été retenues prisonnières. À trois mille lieues de distance, elles reconnaissaient les murailles, les ornements, les meubles, la fenêtre aux stores pourpres s’ouvrant sur un jardin féerique.
— Où se trouve cette habitation ?
— Elles ne l’ont jamais su, mais approximativement, elle doit se trouver à une centaine de kilomètres au nord-est de Calcutta.
— Bon, après ?
— Après, sur l’écran apparurent Log et San.
— Les deux géants aux Masques Jaunes :
— Puis Dodekhan et le duc de la Roche-Sonnaille. Et aux oreilles des jeunes femmes, enfermées dans le bastidou Loursinade, les paroles arrivèrent, semblant jaillir de l’écran même.
— Oui, le téléphone sans fil. Continuez, ma chère madame Marroy ; tout cela s’explique fort bien.
— Log disait : — J’ai tenu ma promesse, à toi de tenir la tienne.
Et Dodekhan répondit : Oui, tu as réellement sauvé celles que nous aimons. Je t’apprendrai les signes que tu ignores et après je mourrai, car j’aurai trahi le secret confié à mon honneur par mon père.
Max eut une petite toux émue.
— Cette annonce d’un suicide, à trois mille lieues ; rien ne pouvant être empêché. Je comprends, je comprends. Pauvre petite Mona.