Pourquoi la protégeaient-ils ? Cela lui échappait.
Elle avait beau interroger ses souvenirs ; ni par sa famille, les riches négociants Lillois, ni par son mariage avec le duc Lucien de la Roche-Sonnaille, elle ne distinguait la moindre relation avec les révolutionnaires.
Mais si ces points-là, demeuraient obscurs, il en était un autre qui s’imposait à son esprit de lumineuse façon. Le surveillant Nicolas avait exprimé la vérité. Toute résistance serait inutile, voire même dangereuse.
La jeune femme se montra sous son jour véritable. Être de résolution, elle n’insista pas.
— Tu as raison, Nicolas Petrovitch, fit-elle. Que la voiture et le postillon se tiennent prêts. Je vais inviter ma compagne au départ.
La face de son interlocuteur s’épanouit. On eût dit qu’il éprouvait, un plaisir personnel de cette résolution, et il se dirigea en toute hâte vers le bâtiment principal du relai de poste.
Avec un geste énergique, la duchesse rentra dans la chaumière. Mona dormait toujours. La Parisienne s’approcha de sa couchette, et se penchant sur la dormeuse, couvrit son front de légers baisers.
Les paupières de Mona s’ouvrirent, démasquant ses yeux bleus, profonds et vagues comme l’eau d’un lac. Elle regarda sa compagne, lui sourit.
— Mignonne, murmura doucement la duchesse. Nous allons partir dans cette direction de l’Est que tu aimes tant.
Une expression joyeuse éclaira les traits de la folle.
— L’Est, redit-elle, l’Orient, la clarté. Oui, oui, là-bas, la lumière ; l’ombre sera chassée.
— Elle le sera, reprit tendrement Sara enlaçant la pauvre enfant et la contraignant doucement à se lever, mais en route, il nous faudra vaincre son ennemi.
— Un ennemi, murmura son interlocutrice d’un ton indifférent.
— Oui.
Et insistant, semblant céder à la pensée insane de la jeune Russe.
— Il veut mettre un écran devant la lumière.
À ces mots, le visage de Mona se durcit ; ses yeux d’azur prirent un reflet d’acier.
— Je ne le veux pas.
— Nous l’en empêcherons, grâce aux tubes où les bons génies ont enfermé l’arc-en-ciel.
Immédiatement la physionomie de la malade s’irradia.