— Ce n’est rien. Je voudrais dormir, voilà tout.
Mais ils n’ont pas le loisir d’échanger d’autres paroles. Avec un glissement doux une porte s’est entr’ouverte, livrant passage à un nouveau personnage.
Celui-ci, correct, un peu gourmé, le visage complètement rasé, porte un complet gris fantaisie deux tons, indubitablement sorti des magasins de Piccadilly.
L’homme à la redingote noire s’incline, et, en excellent, anglais :
— Monsieur le Consul d’Angleterre, dit-il.
— Le Consul d’Angleterre ! s’exclament tous les voyageurs.
Le nouveau venu les salue de la main.
— Lui-même. M. le Président du Comité révolutionnaire ne vous avait donc pas prévenus ?
Quelle que fût leur présence d’esprit, habituelle, ni Max Soleil, ni Sara ne trouvent une syllabe à répondre. Du reste, le révolutionnaire leur adresse la parole :
— Il vous suffira d’écouter pour comprendre. Ensuite, on vous conduira à l’hôtel de Saint-Pétersbourg selon votre désir. Je regrette de vous imposer ce détour, mais l’avenir d’un peuple qui veut écraser la tyrannie est en jeu.
Puis, revenant au consul :
— Monsieur, reprend-il, sur cette civière, vous voyez une de vos compatriotes.
— En vérité, s’exclame le gentleman soudainement intéressé.
— Oui, oui, appuie Violet. Je suis miss Violet Mousqueterr…
— La riche miss Violet.
— C’est cela.
Du coup, le consul effectue une révérence accusée, qui démontre que l’or lui semble digne de plus grands respects.
Et le révolutionnaire qui a remarqué l’effet produit par le nom de la jeune fille, a un sourire en continuant :
— Une de vos compatriotes… considérable.
— Très considérable, appuie le consul d’un ton pénétré.
— Bien. Or, cette jeune dame, qui voyage pour son plaisir en Russie, qui devait donc se croire sous la sauvegarde du public et des autorités, a été blessée par un de ces misérables à la solde de la tyrannie, qui osent s’affubler du titre de soldats.
— Par un soldat ?
— Un séide du bourreau que l’on dénomme Tzar.