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MISS MOUSQUETERR.

des stores de pourpre, s’ouvrent sur un parc luxuriant, avec des pelouses d’émeraude, au milieu desquelles tremblote l’azur mobile d’une pièce d’eau, où s’ébrouent des canards multicolores, des flamants roses.

Et l’attitude de Mona Labianov, qui se trouve aussi en ce lieu ; elle est bizarre, cette attitude.

La douce folle s’est rapprochée de l’une des croisées, elle regarde au dehors. Ses lèvres s’agitent, elle hoche la tête. On dirait qu’elle salue des choses déjà connues.

— Me direz-vous, commence Violet…

L’Hindou l’interrompt.

— Je ne me présente devant vous que pour cela, Miss. Aussi vous ai-je priée de vous asseoir, car je ne voudrais pas vous astreindre à m’écouter debout.

— Ce sera donc long ? fait-elle agressive.

— Long ou bref, Miss. Cela dépendra de vous.

— Alors ce sera bref.

— Je le souhaite de tout mon cœur.

Elle considère son interlocuteur avec étonnement. Que signifient ces paroles ? Enfin, avec un grand geste d’impatience, elle se laisse tomber sur un siège ; John, plus rouge que jamais, l’imite. Et l’Hindou parle :

— Miss, les journaux nous ont appris votre arrivée dans notre capitale. Calcutta s’est émue de pareil honneur ; mais son émotion ne fut rien auprès de la nôtre, à nous, modestes campagnards, pour qui cette venue était un bonheur !

— Un bonheur ? vous vous dites campagnard, serions-nous hors de la ville ?

— Hors, et loin, oui, Miss.

— Loin aussi. Pourquoi ? Comment ?

Le personnage s’incline. Il sourit agréablement :

— Je vous aurais priée de me rendre visite, Miss, qu’il est certain que vous eussiez refusé. Alors, j’ai eu recours à l’habileté. Quand un mur infranchissable coupe votre route, il faut passer à côté.

— Vous voulez exprimer, je pense, que je suis ici par surprise.

— Ah ! s’exclama galamment l’inconnu, la voix est trop charmante pour que je fasse le procès des mots. Disons donc par surprise, à Trefald’s Cottage, vos domestiques indigènes m’obéissaient, car tous m’obéissent. Sur mon ordre, ils mêlèrent à vos aliments un narcotique.

— Un narcotique, se récrièrent d’une commune voix Violet et John.