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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

leurs pas ; ils avaient tourné sur eux-mêmes, ils étaient revenus à leur point de départ.

Ils se regardèrent, hébétés, quelque chose de hagard dans les yeux. Leur raison chancelait devant l’hostilité des objets. Dans leurs cerveaux une même pensée passa, souvenir des contes dont on berce la jeunesse chez tous les peuples. La montagne les tenait prisonniers, ils se voyaient enfermés dans un cercle de précipices, et ils songeaient aux perfides enchantements des légendes.

Le soleil atteignait le zénith. Ses rayons pâles versaient une vague tiédeur sur le groupe déconcerté. Enfin, d’une voix blanche, sans accent, le romancier dit :

— Une heure de repos. Ensuite, nous tenterons encore la chance.

Ses paroles s’éteignirent dans le silence. Ses compagnons se débarrassèrent de leurs charges et se laissèrent tomber sur le sol, où ils demeurèrent sans mouvement !

Lui s’éloigna de quelques pas et parut s’absorber dans la contemplation du pays environnant. Regardait-il ces cônes, ces renflements de terrain s’étendant à perte de vue, et entre lesquels se devinaient des abîmes ?

Ou bien en s’isolant ainsi, cherchait-il seulement à cacher sa souffrance, à s’empêcher de crier son désespoir.

Il avait parlé de faire encore un effort. Avant de le commencer, il le jugeait inutile.

Quelques instants plus tard, les voyageurs, se remettaient en route.

Ah ! ils iraient jusqu’au bout du courage. La neige s’était remise à tomber, et au milieu de ses tourbillons floconneux, serrés les uns contre les autres pour ne pas se perdre de vue, les infortunés avançaient, épuisant leurs dernières forces dans ce combat contre les éléments.

La lutte n’était plus voulue ; elle devenait machinale, instinctive ; ainsi que des bêtes forcées, ils fuyaient éperdûment devant la mort.

Et brusquement, une clameur déchirante jaillit de leurs lèvres.

Pour la troisième fois, ils étaient revenus à la dépression où ils avaient campé la nuit précédente.

Le sort en était jeté. Invinciblement, ils se trouvaient ramenés là, en cet endroit que la fatalité semblait leur désigner pour y mourir.

Après le cri de détresse, involontaire, presque inconscient, il y eut un lourd silence. Les voyageurs ne pensaient même plus. Ils restaient écrasés par l’horreur de leur destin. Et Lobster ayant murmuré :

— La nuit vient. Le froid commence à piquer.