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MISS MOUSQUETERR.

— Achevez donc ?

— Il a mis ainsi à découvert un tas de bois et d’argol[1], nous pouvons allumer un feu.

— Un feu !

Ce fut une clameur presque joyeuse. L’espoir ne meurt jamais au cœur de l’homme, à l’idée de voir pétiller la flamme, tous se reprenaient à la vie. Impétueusement, ils s’élancèrent à l’extérieur, malgré l’avertissement prudent de Max :

— Ne vous éloignez pas. Le tigre rôde aux environs, sans aucun doute.

Ah ! le tigre, cela les préoccupait bien vraiment !

À ces êtres qui sentaient déjà en eux le froid de la mort, une seule idée apparaissait intéressante. Faire du feu. Exposer leurs chairs crispées à la chaleur. Réjouir leurs yeux de la clarté d’un foyer.

Et cependant, ils constataient l’exactitude des affirmations du jeune homme. Des traces très nettes, toutes fraîches encore, serpentaient aux abords de la tente, puis, elles se dirigeaient vers la pente orientale de la cuvette naturelle abritant le campement des égarés.

— Par le diable, grommela. Lobster, si ce n’est un tigre, c’est du moins un bien gros chat.

— Une panthère, prononça doucement la duchesse de la Roche-Sonnaille.

L’inflexion de sa voix surprit ses compagnons. Dans son accent, ils démêlaient quelque chose d’étrange, de joyeux.

— Oui, peut-être une panthère ; les dimensions sont de nature à faire supposer. Mais panthère ou tigre, la présence de l’animal sur ces sommets reste inexplicable.

À la, stupéfaction de tous, Sara murmura :

— Non, non, une panthère pourrait être mieux expliquée.

Et ses amis l’interrogeant du geste, du regard, la vaillante Parisienne reprit :

— Tout à l’heure. Faisons le feu d’abord, je suis gelée. Et puis, je ne suis pas sûre. Le feu est plus pressé. Ensuite, je vous dirai ma pensée.

L’œil et l’oreille aux aguets, craignant à tout instant de voir reparaître le terrible fauve signalé, chacun s’empressa d’emporter une part du combustible si miraculeusement découvert.

Dix minutes plus tard, dans l’atmosphère attiédie de la tente, un feu

  1. Argol, fiente de yak desséchée. Les habitants des Hauts Plateaux asiates recueillent l’argol qui, dans ces pays dénués de tout, sert presque exclusivement de combustible.