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Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/355

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MISS MOUSQUETERR.

Brusquement, il se souvenait d’avoir laissé, fiché dans le poteau soutenant la toiture, le parleur grâce auquel, lui et ses amis avaient pu communiquer avec ceux dont la jeune Russe venait de prononcer les noms.

Il coula un regard angoissé vers le poteau.

Le léger instrument, s’il était découvert, renseignerait l’ennemi. Qui sait, il lui donnerait peut-être le moyen de surprendre la confiance de ces deux hommes qui vivaient, prisonniers sans doute, dans la caverne inconnue, d’où leur voix, leur pensée, s’évadaient sur les vibrations insaisissables du téléphone sans fil ?

Mais il eut beau regarder, il ne vit rien. Le parleur avait disparu. Cela le surprit à tel point, qu’il ne put retenir une sourde exclamation. Sur lui se posa un instant l’œil dur du gigantesque San, mais cela ne dura qu’une seconde. L’héritier du terrible pouvoir du Drapeau Bleu ne pouvait songer à cet homme inconnu de lui, alors que Mona venait de poser à son intellect, cet insoluble problème :

— Comment sait-elle l’existence de Dodekhan, de son compagnon ?

Une anxiété pesait sur les captifs. Tous se rendaient compte que l’affirmation de Mona pouvait mettre leur farouche adversaire sur la voie du secret surpris par eux. Mais comme San redisait encore :

— Ils savent cela.

Mona eut un rire joyeux, et avec un à-propos inattendu :

— Sans doute, je sais que nos amis vivent.

— Comment ? qui vous l’a appris ?

Elle rit plus fort.

— Vous-même, Monsieur San.

Et le géant esquissant un geste d’énergique dénégation, la fille du général Labianov reprit, toujours riante :

— N’avez-vous pas affirmé tout à l’heure que vous vous proposiez de nous massacrer.

— Je l’ai affirmé, et cela sera, gronda l’Asiate avec un éclair dans les yeux.

— Je n’en doute pas, Monsieur San. Je suis certaine que pour massacrer, on peut compter sur vous. Mais dès l’instant où vous avez l’intention de tuer, avec nous, MM. Dodekhan et de la Roche-Sonnaille, — ce sont vos propres paroles de tout à l’heure, — j’ai cru pouvoir en déduire qu’ils sont vivants. Car, conclut-elle avec une ironie légère, vous reconnaîtrez que s’ils étaient défunts, il vous serait impossible de les tuer encore.

Le faciès de San se dérida. L’homme fit entendre un bruyant éclat de rire.