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MISS MOUSQUETERR.

— Vous ne sortirez plus de ce réduit où vous pensiez me braver à jamais. Je n’y saurais entrer. L’électricité diabolique n’y laisse point pénétrer les projectiles ; mais je veux votre mort, et il existe un ennemi que vous n’empêcherez pas d’entrer : La faim.

Les deux mots sonnèrent lugubres dans la crypte. La faim !

— Voilà ce que je pensais vous dire, en venant ici. Mais la tendresse, cette tendresse imbécile, comme l’appelait mon maître Log, me réservait la plus douce des surprises. Ah ! Ah ! votre machinerie vous permet de voir au loin. Peut-être avez-vous suivi les phases de ma défaite ; peut-être avez-vous applaudi à l’effroyable catastrophe. Eh bien, à mon tour de rire !

Et, les poings tendus vers ses interlocuteurs, l’écume aux lèvres, le regard rouge :

— Heureux de regarder ces femmes qui ont enchaîné vos cœurs, vous ne m’avez point entendu entrer dans le temple. Je ne prenais aucune précaution cependant. Mais la tendresse aveugle enlève toute faculté de penser. Et j’ai vu la vengeance plus complète, plus réjouissante. Tous ceux qui ont causé la mort de Log périront. Ils mourront tous, tous !

Il marchait, tel un fauve en cage, en proie à une exaltation de dément, battant l’air de ses poings crispés, martelant le sol de ses pas lourds.

— Ah ! elles sont à l’Antenne sans fil 25 ! Elles viennent ici, appelées par vous, n’est-ce pas.

Mais ses cris cessent. Il s’immobilise. Dans un éclair, Dodekhan a compris qu’il doit, coûte que coûte, extirper cette pensée du cerveau de son ennemi. Si les jeunes femmes se rendent à son appel, Joyeux, Sourire, qui les guident, sont donc traîtres à San. Alors, à leur arrivée, on les saisira : on les mettra à mort. Le plan de délivrance se transformera, deviendra une préparation au trépas de ces dévoués, de ceux qu’ils accompagnent, de tout ce que les captifs aiment au monde. Aussi, a-t-il clamé :

— Tu te trompes sur ce point, San. J’avais pensé les voir dans le camp anglo-russe ; ne les y trouvant nulle part, j’ai cherché. Des traces m’ont indiqué leur sortie du camp, leur première étape au poste R.

— Tu as vu le poste R ? ricane le Graveur de Prières.

— Non, il a été détruit, et ses débris brûlent encore au fond d’une crevasse.

— Ah ! murmure San, tu as constaté cela.

Il se passe la main sur le front. Évidemment, en sa cervelle obtuse, la déclaration si nette du prisonnier a jeté un trouble. Mais il veut le dissimuler.