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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

Longue est la marche, longues les heures que martèle le bruit des sabots des yaks. Le jour baisse peu à peu. Il s’éteint… La nuit se fait.

Alors, des torches s’enflamment ; les guerriers les brandissent, donnant à la caravane d’hommes et d’animaux un aspect fantastique. Sous les lueurs fuligineuses, on franchit des abîmes, on se coule en d’étroits défilés. Des pentes raides sont escaladées.

Est-ce que cette étape ne finira jamais. Comme les possédés de la ballade rhénane, les voyageurs se sentent emportés dans la nuit par des forces auxquelles ils ne commandent pas.

Mais un couloir se présente. Les parois en sont unies, régulières, ainsi que des murs construits par la main de l’homme. Il tourne sur lui-même, se replie en coudes brusques, et soudain les murailles s’écartent, formant un entonnoir dont la face la plus large est l’arête à pic du rebord d’un gouffre.

De l’autre côté du précipice, se dresse une falaise perpendiculaire, dont le sommet domine de cinquante mètres, le plateau qu’occupent les prisonniers et leur escorte.

Ils regardent. L’abîme barre le passage. La sente se termine donc en cul-de-sac Pourquoi les a-t-on amenés ici ? Interrogations informulées, car nul ne semble vouloir y donner une réponse.

Mais San a mis pied à terre. Sur un signe de lui, des Asiates aident les Européens à descendre de leurs montures. Et le Graveur de Prières ricane :

— Nous camperons ici, quelques jours. Puis, il module un sifflement, qui fait accourir auprès de lui les gamins et leurs fauves.

Il les accueille par un sourire, passe sa lourde main sur leurs têtes, en une caresse de tyran satisfait :

— Je vous ai promis du plaisir, mes braves ; l’instant est venu de préciser davantage.

Retenant du geste les captifs qui font mine de s’éloigner.

— Restez, Madame la duchesse ; restez, charmante Mona Labianov, et vous aussi, aimables fous qui, sans y être contraints, avez voulu interroger le mystère de l’Asie. Je n’ai pas de secrets pour ceux qui doivent mourir.

Il se tourne tout d’une pièce vers les gamins, leur désigne la falaise formant l’autre rive de la crevasse.

— Savez-vous ce qu’est ce mur de granit, mes fidèles ? Non, n’est-ce pas.