Page:Ivoi - Miss Mousqueterr.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
464
MISS MOUSQUETERR.

des prisonniers. Peut-être espérait-il une marque de crainte, un appel à sa pitié. Mais aucun ne bougea. Avec un geste mécontent, il sortit, poussant devant lui Joyeux et Sourire, qui s’étaient tenus immobiles, comme figés à ses côtés.

De nouveau, les prisonniers étaient seuls. La bougie de cire brute les éclairait. Ils s’entre-regardèrent comme au sortir d’un rêve. La brusque apparition de San, suivant à si faible intervalle l’exposé des déductions du romancier, les plongeait dans une atmosphère de légende.

Depuis une semaine qu’ils ressassaient un rêve d’horreur, ils en étaient venus à cet embrumement cérébral, qui donne l’impression de vivre un songe où l’action réelle ne saurait avoir part. Et soudain, sans préparation, l’action se dressait devant eux, impérieuse, fatale. Il allait falloir agir. Dans quel sens ? À quel signal ? La conviction qu’une fausse manœuvre les perdrait sans retour, les plongeait dans le désarroi.

— Bah ! fit enfin Violet, répondant à la préoccupation de tous. On fait son chemin le mieux possible, et ensuite, on espère que cela sera suffisant.

— C’est, du fatalisme, riposta la duchesse.

— Oh ! chère pauvre amie, reprit la jeune Australienne de sa plus douce voix ; j’offre ce que j’ai sur moi. Si je possédais davantage, soyez certaine que je le présenterais.

— Et vous avez raison, Violet. Vous avez exprimé, avec la logique de votre cœur exquis, la sagesse de l’humanité : Bien faire et laisser les circonstances dire le dernier mot.

Effet bienfaisant d’une résolution, si imprécise soit-elle ; les prisonniers se sentirent réconfortés. Oui, dans les conjonctures critiques où ils se débattaient, ils agiraient de leur mieux, avec l’espérance d’être aidés par… ces forces ignorées qui dirigent ou annihilent les combinaisons des hommes.

Pour commencer, on prépara les armes. Les tubes violets ou indigos, soigneusement dissimulés jusque-là, furent installés à leurs postes de combat, c’est-à-dire glissés dans les manches. De la sorte, les victimes de San n’auraient qu’à allonger le bras, exercer du doigt une pression sur le poussoir déclanchant la lumière, et diriger le jet lumineux sur les ennemis à écarter de leur route.

Mais le camp s’agitait. Les guerriers rassemblaient les yaks, démontaient les tentes.

Il fallait se vêtir, reprendre les fourrures. Ils achevaient à peine, quand plusieurs Asiates se présentèrent pour abattre la tente de feutre.