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LES ASSOIFFES DE LUMIÈRE.

Et après son départ, le notaire chargé de la liquidation de ses biens immobiliers, avait mis en vente le château Louloudi, à un prix extraordinairement bas, vingt-cinq pour cent à peine de sa valeur.

Elleviousse avait profité de cette occasion, et Louloudi était devenu la maison de santé bien connue.

Les bâtiments, les salons luxueux destinés aux fêtes, aux joies fastueuses de la richesse, s’étaient transformés en chambres où gémissaient les épaves de la société, les malheureux vaincus par la folie.

C’était le drame noir de l’envers de la vie, joué dans le cadre le plus riant que l’on pût se figurer.

Dès la grille dorée, dès l’avenue d’honneur, sablée avec soin, bordée de massifs fleuris, jusqu’à la maison aux marbres polychromes, aux bas-reliefs traçant sur la façade la procession joyeuse de fêtes de l’Hellade, tout souriait, tout conviait au plaisir.

M. Elleviousse était dans son cabinet. Il reçut aussitôt les visiteurs.

C’était un petit homme rondelet, qui eût paru vulgaire si son visage, si toute sa personne même, n’avaient été illuminés par deux yeux noirs, très grands, dont le regard perçant avait une influence magnétique considérable. Son accueil fut des plus courtois.

— Oh ! s’écria-t-il, ce n’est point là un incident qui me bouleverse. Mes deux pensionnaires sont tout à fait inoffensives ; donc, pas de danger pour la sécurité publique.

— Vous en êtes certain ? questionna Landré d’un air important.

— Absolument. La duchesse de la Roche-Sonnaille passait son temps à lire, à se promener. Je la croyais même améliorée, car, depuis quelques jours notamment, on pouvait en sa présence parler de la route d’Aubagne, sans provoquer ses divagations habituelles.

— Et Mlle Mona Labianov ?

— Oh ! elle, sa folie est incurable, je pense. Je la qualifierais presque de « magnétique ». L’Orient exerce sur ses discours, sur sa façon d’être, une attraction étrange. L’Orient et la lumière ! J’avais remarqué cette double sympathie, et je l’admettais dans mon laboratoire. Vous savez que je m’occupe beaucoup d’étudier l’action des divers rayons lumineux du prisme sur mes malades. Mes expériences semblaient l’intéresser prodigieusement.

— Elle ne pouvait les comprendre.

— Je vous demande pardon. Cette démente très spéciale, dont l’esprit semblait fermé à toute autre chose, devenait lucide, intelligente, étonnamment intelligente, aussitôt qu’il s’agissait de la direction de sa folie. Il lui est