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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Agostin regarda attentivement.

— Non… celui-là est seul… Il est évident qu’il demande à s’approcher sans que nous tirions sur lui.

— Eh bien, comment lui répondre !

— En employant la même langue que lui. Agitez un mouchoir blanc, il s’avancera.

Aussitôt fait, aussitôt compris. Le Guatuso tenait quelque chose à la main, qu’il montrait de loin. C’était un papier, on le distinguait parfaitement à la lorgnette. Il se dirigea encore pendant cent mètres vers le mouchoir blanc que brandissait miss Aurett, puis il s’arrêta. Il plaça le papier ostensiblement, piqué sur la pointe d’une feuille de yucca, le désigna par une pantomime expressive, et redescendit tout courant, — pas rassuré du tout, — jusqu’à ce qu’il fût couvert par un repli de terrain, vers le bas de la montagne.

Agostin alla chercher le message et le rapporta dans le rancho. C’était, écrit en langue castillane, un ultimatum de don José, ainsi conçu :

« 6 juillet 1891.
« À Leurs Excellences,

« Sir Murlyton, esquire, et miss Aurett Murlyton. Le préfet de Cambo, gouverneur du district de Golfo-Dulce en Costa-Rica, a l’honneur d’informer Vos Excellences que ce n’est pas elles qu’il poursuit.

« En conséquence, Vos Excellences peuvent librement reprendre leur route et séjourner sur le territoire de la République avec leurs armes, montures et bagages. Elles auront droit à notre protection.

« Elles peuvent de même emmener comme leur serviteur, le soldat Agostin, de la tribu indienne des Terrabas, que nous estimons avoir cédé aux injonctions de l’aventurier français, se faisant indûment appeler le général La Bareda, — celui que les pouvoirs publics ont déclaré déchu du titre de président de la République costaricienne, qu’il avait usurpé, à la faveur d’une insurrection fomentée par lui et désormais vaincue. C’est lui seul que, moi et mes fidèles soldats, nous voulons prendre et punir. Le préfet-gouverneur donne à Vos Excellences vingt-quatre heures pour se conformer à ses ordres et se retirer où il leur plaira.

« Faute d’obéir dans ce délai, elles encourront les mêmes pénalités que l’aventurier, leur compagnon, dont nous sommes résolus à nous emparer mort ou vif.

« Signé : Don José Miraflorès. »