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LES GUATUSOS.

Le plus gravement du monde, Murlyton ouvrit son carnet et montra des notes prises antérieurement.

— Vous voyez que c’est déjà fait.

— Oh ! vous êtes un homme précis.

— Je suis Anglais, répondit-il simplement.

Tout à coup, Agostin franchit le mur formant parapet et se laissa glisser au dehors. Il suivait la pente Sud du mamelon et, presque rampant, il cherchait à voir quelque chose au loin, sans être aperçu des guatusos en vedette. Mais il n’y réussit pas. Des coups de fusil retentirent, une grêle de balles s’abattit autour de lui.

Dissimulé derrière des roches il entendait les projectiles crépiter sur la pierre et malgré cela il continuait sa route, Il ne s’arrêta que sur la crête d’un ravin. Là, couché de tout son long, la tête penchée au-dessus du vide, il observa, fixant dans sa mémoire la carte du terrain qu’il était venu reconnaître, — et lorsqu’il se releva, son visage ordinairement impassible exprimait la joie.

Puis il reprit le chemin du rancho. La fusillade des Guatusos se ralentit alors. Les assiégeants, c’était visible, ne voulaient que l’empêcher de s’enfuir.

— Eh bien ! dit Armand ? Qu’as-tu fait ? qu’as-tu vu ?

— Je cherchais une route… mais tous les chemins sont gardés… Nous ne pourrons pas sortir d’ici.

— Cependant, riposta Lavarède méfiant, tout à l’heure tu semblais satisfait…

— Oui, j’étais content parce que les balles des Guatusos ne pouvaient m’atteindre. Mais c’est tout.

— Ah !…

Et Agostin alla s’asseoir vers les mules, sommeillant ou feignant de sommeiller.

Bientôt, un nouvel incident vint le tirer de son repos et mettre tous les assiégés sous les armes. Du bas de la vallée, un Indien guatuso montait droit dans la direction du rancho. Parvenu a quelques centaines de mètres, c’est-à-dire arrivé à portée de fusil, il agita un morceau d’étoffe blanche.

Lavarède, qui guettait, le revolver au poing, dit à ses amis :

— Dans tous les pays du monde, le drapeau blanc signifie que l’on vient en parlementaire.

— Oui, fit l’Anglais, mais je ne me fie point à ces sauvages… N’est-ce pas un piège ?