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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Criant, hurlant, tirant, les Guatusos reparurent de nouveau. Cette fois, au lieu de marcher groupés, ils se sont formés en une ligne de tirailleurs mince, enveloppante. Chacun des trois défenseurs va avoir à lutter contre six ou sept adversaires.

En vain, leurs armes crachent les balles sans relâche ; en vain, ils blessent ou tuent ceux qui se trouvent en face d’eux.

— Il y en a trop, dit Armand avec rage.

Son regard rencontre celui d’Aurett. Il y a comme un voile sur ses yeux, mais il n’a pas le temps de s’attendrir. Les Guatusos sont à quelques mètres du mur en ruines. Leurs visages grimacent la haine. Vision effrayante… C’est la charge d’une troupe de démons !…

Ils ont jeté leurs fusils. Ils brandissent les terribles machete qu’ils portent d’ordinaire à la ceinture. Ils atteignent la brèche de la muraille. À bout portant, Lavarède foudroie un premier assaillant ; de sa crosse, il en assomme un autre, sur le retranchement même.

De son côté, Murlylon, transformant son revolver en massue, étourdit l’indien le plus rapproché de lui, s’empare de son couteau à large lame, et la lui plonge dans le cœur.

Mais miss Aurett n’est point faite pour cette lutte sauvage à l’arme blanche. Un Guatuso s’avance vers elle, les traits contractés. Affolée, elle veut fuir, ses jambes sont paralysées, ses pieds refusent de se détacher du sol. Poussant un cri terrible, elle chancelle et tombe évanouie.

À son appel, Armand, effrayant d’épouvante, se précipite au-devant de l’Indien. Mais son émotion nuit à la justesse de ses coups. Le machete de son adversaire s’abat sur lui. Il roule à terre, auprès de miss Aurett qu’il éclabousse de son sang !…

Les sauvages vont triompher : les vaincus sont à eux ; les hommes pour le scalp et la femme pour un supplice plus odieux encore ! Mais tout à coup ; une fusillade nourrie éclate au dehors… des balles sifflent comme des oiseaux de mort dans la troupe des Guatusos.

Stupéfaits, ceux-ci s’arrêtent, regardent autour d’eux. Une seconde décharge les décime. Cette fois, ils lâchent pied !… et ils abandonnent le rancho où sont étendus Lavarède blessé et miss Aurett évanouie, que pétrifié, sir Murlyton, couvert de sang, contemple, sans comprendre encore quelle diversion inattendue vient de se produire.