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THE BOX-PACIFIC-LINE-COMPANY

Cherchant ses mots, il dit :

— Parce que… les formalités seront longues chez les notaires des United States, qui doivent se mettre en relations avec ceux de Dublin, représentant la tante Margareth, et avec celui de Paris chargé de mes intérêts… Si vous donniez votre démission aujourd’hui vous risqueriez de rester un bon mois sur le pavé.

— C’est juste, mais c’est dommage aussi… car j’aurais bien voulu éviter la corvée qui m’incombe demain.

— Laquelle donc ? fit le Parisien du ton le plus naïf du monde, tandis qu’il remerciait mentalement le « Dieu des voyageurs » d’avoir amené la transition, tant désirée.

— La garde de nuit auprès des « Sleeping Yellows », autrement dit, les « Chinois défunts ».

Lavarède prit l’air surpris d’un touriste ignorant et se laissa bénévolement expliquer par l’employé le fonctionnement de la Box-Pacific.

— Brrrou ! murmura-t-il quand Vincents eut fini. Cela doit faire une singulière impression de passer la nuit au milieu de ces cercueils.

— C’est assommant.

— Pas banal au moins comme aventure de voyage, et si c’était possible, j’aimerais assez le faire… pour le raconter à mon retour.

— Cela se peut, s’écria son interlocuteur enchanté, et si le cœur vous en dit ?…

— Ma foi oui.

— Rien de plus simple. Demain, j’entre par la porte de l’administration ; vous restez au dehors. Je vous ouvre la porte donnant sur le quai… c’est par là que l’on enlève les colis pour les embarquer… et ni vu ni connu, nous sommes chez nous jusqu’au matin. Apportez du wisky.

Avec peine Armand put cacher sa joie. Sa ruse avait complètement réussi. Le gardien s’offrait lui-même à lui faciliter l’entrée du dock. Maintenant, il s’agissait de quitter Oxtail-Tavern sans bourse délier, puisqu’il n’avait toujours en poche que ses vingt-cinq centimes.

— Cousin, dit-il, une proposition ?

— J’accepte d’avance.

— Étant de garde demain, vous obtiendrez facilement de votre administration congé pour cet après-midi ?

— Peut-être bien que oui.

— Allons le demander ensemble. Ensuite, nous nous rendrons à mon hôtel, où nous dînerons.