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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/297

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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

pleine poitrine l’officier qui poussa un sourd gémissement. Avant qu’il fût revenu de sa surprise, le Parisien l’avait renversé sur le sol. Rachmed de son côté avait terrassé le Tag-Lama.

— Des cordes, vite ! ordonna Armand à Murlyton.

Depuis le raccommodage du ballon, des cordelettes traînaient dans tous les coins. Le Thibétain et le Chinois furent bientôt garrottés et bâillonnés.

— Qu’allons-nous faire ? questionna Murlyton. Vous l’avez entendu, la cour est pleine de policiers.

— Endossez le costume du prêtre, je revêtirai celui du policier… et vous, miss, retournez-vous.

La jeune fille obéit. En quelques minutes les deux hommes furent métamorphosés.

— Maintenant, commanda Lavarède, descendons… Miss Aurett, sœur de Bouddha, va donner les explications nécessaires au Tag-Lama et au méfiant policier Sandyama.

Il fit passer devant lui le gentleman tout bouleversé, l’Anglaise et le Tekké, puis referma soigneusement la porte et gagna la cour.

Trente ou quarante hommes étaient groupés autour du ballon. Dans l’obscurité on distinguait leurs silhouettes.

— Ils vont découvrir la supercherie, dit doucement le gentleman.

— Mais non, mais non, répondit le journaliste… Nous allons les prier de s’éloigner afin de faciliter notre petite manipulation.

Et, s’adressant à Rachmed :

— Commande à ces gens de se retirer à l’extrémité de la cour. La sœur de Bouddha ne consent pas à parler devant des profanes. Seul Sandyama est autorisé à s’approcher.

Le Tekké sourit. Il comprenait l’idée d’Armand. Il transmit d’une voix sonore l’ordre donné. Les agents, croyant reconnaître dans la pénombre leur chef et le Tag-Lama, s’empressèrent d’obéir et dégagèrent les abords de l’aérostat.

Un instant après, les fugitifs étaient installés dans la nacelle ; miss Aurett versait dans le récipient disposé à cet effet le contenu d’un litre d’alcool et allumait le liquide. Une flamme bleuâtre illumina le quadrilatère de bois d’une lueur fantastique. Prudemment Lavarède et Murlyton, tournaient le dos au groupe des policiers. Ceux-ci regardaient sans comprendre, pensant assister à quelque cérémonie magique. Cependant, sous l’influence de l’air chaud, l’enveloppe se dilatait. La soie se gonflait avec de légers craquements. Bientôt un mouvement d’oscillation se produisit.