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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

L’Anglais avait tressailli. Il comprenait maintenant les paroles du guide.

— Continuez, fit Armand.

— Ils sont venus cette nuit. Ils étaient une douzaine. Ils ont emporté la demoiselle, l’ont attachée sur un cheval et ont fui avec elle vers l’ouest en côtoyant la rivière.

— Où voyez-vous cela ?

Rachmed sourit, découvrant ses dents blanches, et, le doigt tendu vers la terre :

— Les traces, dit-il simplement.

En effet, sur la croûte de glace qui emprisonnait le chemin, de légères égratignures indiquaient le passage d’êtres vivants. Mais de là à reconnaître leur espèce, il y avait un abîme et le visage des Européens exprima si clairement cette idée que l’Asiatique crut devoir ajouter ces mots :

— Ancien chasseur du Lob-Nor, j’ai suivi la piste de tous les animaux. Aujourd’hui encore, je me sens capable de vous conduire vers celle que vous regrettez.

Lavarède et l’Anglais tressaillirent. S’élancer à la poursuite des ravisseurs d’Aurett leur semblait un allègement à leur douleur.

L’action console, elle suppose l’espoir.

Ils voulaient se mettre en route à l’instant même, mais le Tekké secoua la tête. Pour s’aventurer à pied dans ce pays où le froid règne en maître, où tout homme est un ennemi, il est indispensable de se munir d’armes et de munitions pour se défendre, de tentes de feutre pour s’abriter la nuit, de provisions pour n’être point à la merci d’une chasse problématique.

En quittant Lhaça, ils avaient empilé dans la nacelle toutes les choses utiles choisies parmi les présents offerts aux dieux. Rien de plus facile que de s’équiper. Encore qu’ils comprissent les exigences de Rachmed, sir Murlyton et Armand préparèrent, en rechignant, les ballots qu’ils devaient emporter.

Sur les conseils de leur compagnon, ils les disposèrent de façon à pouvoir les porter sur le dos, à la manière du sac des soldats. Ainsi, ils avaient les mains libres et, en cas de rencontre fâcheuse, leur charge ne les gênerait pas pour manier leurs armes.

Une heure se passa en préparatifs. Enfin le poignard et le revolver à la ceinture, le fusil en bandoulière, les trois hommes furent prêts.

Abandonnant dans la caverne la nacelle et les objets qu’elle contenait encore, ils s’engagèrent dans le chemin parcouru par les ravisseurs de la jeune fille. Rachmed marchait le premier. Les yeux fixés à terre, il avan-