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LES AMAZONES KIRGHIZES.

— Écoute, reprit-il, nous t’avons sauvé la vie, nous avons le droit de te la reprendre et je jure Dieu que je n’hésiterai pas si tu refuses de répondre.

Puis s’adoucissant soudain :

— Je menace et j’ai tort. Nous ne demandons pas ton concours. À quoi bon ? Apprends-nous ce que tu soupçonnes. Nous partirons. Et jamais ton nom ne sortira de nos lèvres, fussions-nous captifs, attachés au poteau des tortures.

Les Asiatiques sont clairvoyants. Dagrar comprit qu’il devait avoir confiance, et sans hésitation :

— Je parlerai donc, mais tu te souviendras de ta promesse. Celle que tu poursuis a-t-elle les cheveux dorés comme les herbes des plateaux à la fin de l’été ?

— Oui.

— Elle ne connaît pas la langue du pays ?

— Non. Mais où l’as-tu rencontrée ?

— En sortant de la ville. Dans la plaine, des guerriers avaient dressé leurs tentes autour d’un grand feu. Je m’en étonnais quand une femme s’élança à ma rencontre en disant des mots que je ne compris pas. Soudain, Lamfara parut à son tour, força la femme à rentrer et m’ordonna de m’éloigner. Il attendait sans doute que tout dormit dans Beharsand pour conduire la prisonnière à sa demeure.

Armand échangea un regard étincelant avec le gentleman.

— Et qui est ce Lamfara ?

— Il commande à cent guerriers. Il est riche et possède plus de cinq cents yaks. Et puis il est savant, autant que nos médecins. Il a été élevé loin d’ici, de l’autre côté des grands lacs, dans |e pays du Père-Blanc.

— En Russie, souligna Rachmed. Le tzar est le « Père-Blanc » pour toutes les populations d’Asie.

Lavarède l’interrompit. Il ne tenait plus en place. Aussi impatient que lui, sir Murlyton s’armait à la hâte. À peine laissèrent-ils au Tekké le temps d’indiquer à Dagrar en quel endroit étaient cachés la nacelle et les nombreux objets qu’ils y avaient abandonnés.

C’était le prix du service rendu.

Après un rapide adieu, ils se mirent en marche vers Beharsand. Ils repassèrent auprès de la fontaine chaude. Déjà les grands vautours avaient dépecé le cadavre de l’ours gris, après une nuit, du terrible carnassier il ne restait qu’un squelette auquel pendaient quelques lambeaux sanguinolents.

Personne ne s’arrêta. Tous avaient hâte d’atteindre la ville kirghize.