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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Enfin, après avoir escaladé un monticule, ils l’aperçurent se développant dans un cirque formé par des collines peu élevées.

Beharsand est une bourgade peuplée de trois à quatre mille habitants ; mais dans le steppe glacé de l’Asie centrale, elle représente l’un des centres les plus importants.

L’Anglais retint Armand.

— Nous allons pénétrer dans cette cité ?

— Pourquoi non ?

— Mais il me semble que c’est nous jeter dans la gueule du loup.

Lavarède se prit à rire.

— Hier, vos craintes, auraient été fondées, demain elles le seraient encore. Aujourd’hui c’est autre chose.

Et comme le gentleman ouvrait la bouche :

— Inutile. La fête des Amazones commence. Profitons-en.

Sur ce, le Parisien se dégagea et se dirigea vers les premières maisons. Force fut à ses compagnons de le suivre. À leurs questions, il ne répondait que par monosyllabes. Il avait son idée sans doute, mais le moment de l’exprimer ne lui paraissait pas venu.

La distance qui les séparait des murailles diminuait. La ligne des fortifications coupée de tours carrées se dressait devant eux. Le Français alla droit vers une porte où des femmes montaient la garde, le casque en tête, le bouclier rond pendu à la ceinture.

— Voilà de solides commères, remarqua le jeune homme. N’étaient leurs cheveux nattés et quelques autres indices, on les prendrait pour de véritables guerriers.

Le poste féminin fit mine d’arrêter les voyageurs ; mais Rachmed, soufflé par le journaliste, s’enquit de la demeure du chef Lamfara. Aussitôt ces dames esquissèrent leur plus aimable sourire, ouvrant la large bouche qui coupe leur visage aplati aux pommettes saillantes.

— Il vous faut traverser la place Ameïraïkhan, dit enfin l’une d’elles ; mais vous devrez attendre, car l’assemblée des amazones y est réunie en ce moment.

Armand eut une exclamation joyeuse.

— L’assemblée des femmes ? Courons, mes amis !

— Mais pourquoi, hasarda Murlyton ?

— Pourquoi ? Décidément vous ne comprenez pas le parti que l’on peut tirer de l’émancipation des femmes.

Saisissant Rachmed par le bras, le journaliste l’entraîna en lui par-