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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Ils firent fête aux voyageurs qui, par l’intermédiaire de Rachmed, apprirent qu’ils se trouvaient dans le pays du Wakan, ou Oakand, et que « leur fleuve » était l’Oxus des anciens, devenu maintenant l’Amou-Daria.

Lavarède appela à son aide son érudition, très oubliée pendant les dernières semaines.

— L’Oxus, dit-il, traversait autrefois le lac d’Aral et se jetait dans la Caspienne ; depuis, son lit s’est comblé entre ces deux nappes d’eau et il finit dans le lac.

Et Murlyton, en bon Anglais, déclara aimer beaucoup ce fleuve.

— Cela l’ennuyait de couler en territoire russe, affirma-t-il.

Après une nuit excellente, passée dans la maison de bois, les passagers du radeau dirent adieu à leurs hôtes.

— Nous savons où nous sommes, dit Aurett, mais nous ignorons où nous allons ?

— À Tchardjoui, répondit le journaliste avec un sourire.

— Vous en connaissez le chemin ?…

— Le chemin va nous y porter lui-même ; c’est le fleuve. Il paraît qu’à une trentaine de lieues d’ici, l’Amou-Daria doit être libre de glaces. Heureusement nous avons une voiture-bateau qui nous conduira à la ville Sarte de Tchardjoui.

— Qu’est-ce que cette ville ? interrompit le gentleman.

— C’est une station du chemin de fer transcaspien, établi par le général russe Annenkov entre la Caspienne et Samarcande. Remerciez-moi, je vous ramène dans les pays civilisés, ce sera plus commode pour vous, que pour moi… la civilisation admet difficilement que l’on voyage gratis, comme en pays barbare !

— Peuh ! murmura la jeune fille, après ce que vous avez fait, gagner Paris est peu de chose.

— Je ne suis pas de votre avis… par là, le voyage était plus dangereux ; par ici, il va devenir plus difficile.

Cependant le radeau avait été tiré sur la glace et l’on s’éloignait des chasseurs hospitaliers.

Le pays se peuplait. De temps à autre, une cabane apparaissait.

Au soir, on arriva à l’extrémité du banc de glace. Au delà, le fleuve limoneux, avant déjà une largeur de deux kilomètres, coulait entre des rives basses. Après quelques journées de navigation assez monotone, Armand montra à ses amis une bande sombre qui courait au-dessus de la surface de l’eau.