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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/355

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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

— Son complice, moi, puisque je vous affirme…

Bouvreuil ne put achever. Muller le garrottait comme Armand et le fouillait. Son portefeuille contenait 25 000 francs.

— Une partie de la somme volée, clamèrent les agents.

— Somme volée, hurla le propriétaire écumant de rage… Ah ! je vous ferai repentir de votre stupidité.

Schultze se pencha vers lui et, paternellement :

— Croyez-moi, lui glissa-t-il à l’oreille, n’aggravez pas votre cas en insultant la force publique. Vous êtes pincé, prenez-en votre parti.

Muller avait disparu. Au bout d’une demi-heure, il revint avec une voiture dans laquelle on fit monter Lavarède et Bouvreuil. Les policiers se placèrent en face d’eux.

À la gare de Bakou, le véhicule s’arrêta. Les prisonniers en furent extraits et on les enferma dans une petite salle.

Bientôt, les agents autrichiens reparurent en compagnie d’un fonctionnaire de la police russe, de l’autre côté du vitrage de la porte. Celui-ci examina rapidement le prévenu, constata qu’il répondait à peu près au signalement donné, un de ces signalements passe-partout qui conviennent à neuf visages sur dix. Puis il appliqua un cachet et un paraphe sur un papier historié d’un double K, Kaiserlische et Kœniglische, comme tout ce qui est officiel en Austro-Hongrie.

C’était un acte d’extradition sommaire, ainsi que les polices des deux empires en échangent parfois pour aller plus vite, les consuls réciproques ayant tout signé d’avance. Après quoi, toujours raide, il salua automatiquement. Schultze et Muller firent de même. C’était fini. Les prisonniers appartenaient maintenant à la police autrichienne. Alors le journaliste fut pris d’un fou rire.

— Monsieur Bouvreuil, dit-il, nous allons partir pour Trieste.

— Le diable emporte ces imbéciles, rugit l’usurier exaspéré.

— Cela vous ennuie donc bien d’aller là-bas ?

Un grognement répondit seul à cette question.

— Moi, continua le Français, cela m’enchante. Je voyage aux frais du gouvernement austro-hongrois et je gagne cent francs.

— Vous gagnez…

— Sans doute, mon bon monsieur Bouvreuil, vous avez perdu votre pari !