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LE TRANSCASPIEN.

Les agents blonds se consultèrent du regard et d’un même mouvement s’avancèrent vers le groupe qui entourait Lavarède. Ils s’arrêtèrent en même temps, s’inclinèrent ensemble devant le journaliste, et de la même voix, du même ton, dans la même mesure :

— Eh bonjour, mon cher monsieur Rosenstein. Comment vous portez-vous ?

Armand les toisa et, très calme, pesant bien ses mots :

— Vous êtes abusés par une ressemblance, Messieurs, je suis Lavarède, journaliste parisien.

Les Autrichiens secouèrent la tête et Schultze reprit d’un ton finaud :

— Vous avez sans doute des papiers ?

— Hélas non, j’arrive de Chine où l’on m’a dépouillé.

— De Chine, répétèrent les argents d’un ton railleur et hochant la tête d’un air entendu.

— De Chine, fit Muller qui parlait peu, tout à l’opposé de Trieste.

Ils avaient appliqué leurs mains sur les épaules du Français, qui ne fit aucune résistance, mais objecta :

— Vous vous trompez, je le répète, interrogez les personnes qui m’accompagnent.

— Monsieur, que nous avons rencontré sur le port, nous a dit en effet s’appeler Lavarède, s’empressa de répondre miss Aurett.

— Ah ! vous ne le connaissiez pas autrement ?

— Non, monsieur.

Les policiers sourirent.

— Alors, monsieur Rosenstein, veuillez nous suivre.

— Où cela ?

— À Trieste, où la justice vous réclame.

Du coup, Bouvreuil bondit.

— À Trieste, à deux pas de la frontière française, jamais de la vie.

Et élevant la voix :

— Messieurs, vous faites erreur. C’est bien en effet M. Lavarède que vous arrêtez. C’est mon ami.

— Votre ami ?

— Oui.

Avec une dextérité rare, les Autrichiens avaient emprisonné les poignets et les chevilles du journaliste d’une cordelette. L’opération terminée, Schultze, détenteur de la lettre, la fit passer sous les yeux de l’usurier.

— Votre ami, dites-vous, alors vous êtes Florent son complice ?