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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/405

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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Le 28, le voyageur alla visiter le Santa-Lucca afin de s’assurer que tout était en bon état dans la chambre des machines. Le capitaine Antonell accompagna son mécanicien improvisé, et fut émerveillé de ses connaissances. Dans une rapide inspection, l’ancien élève de l’École du génie maritime signala deux défectuosités, légères et facilement réparables, qui gênaient la transmission du mouvement à l’arbre de l’hélice.

— Faites exécuter ces petits travaux aujourd’hui, dit-il au maître du bord, et votre navire gagnera en vitesse près d’un nœud et demi par heure.

Pendant ce temps, sir Murlyton étant légèrement indisposé, Aurett loua un corricolo et se fit promener à travers la ville. Le palais archiépiscopal orné de fresque curieuses, la cathédrale où la fantaisie du gothique flamboyant s’unit à la légèreté audacieuse des édifices mauresques, l’intéressèrent vivement.

Elle parcourut la promenade du Corso, se rendit au phare du haut duquel on jouit d’un panorama incomparable.

Le soleil se couchait, incendiant l’horizon, dorant les toitures, plaquant de pourpre les façades des maisons. La jeune fille s’oublia dans la contemplation de ce spectacle féerique. Quand elle remonta en voiture, le jour baissait.

Une femme maigre, à la peau hâlée, aux yeux noirs, causait avec le cocher. Ce dernier désigna la voyageuse. Aussitôt la femme vint à Aurett et, tendant les bras d’un air suppliant, prononça des phrases rapides, entrecoupées. Bien qu’elle ne parlât qu’imparfaitement l’italien, la jeune fille comprit :

— Je suis une pauvre femme, mais fière. Je ne veux pas être confondue avec les mendiants professionnels qui pullulent ici. Mais j’ai été longtemps malade, le travail ne donne pas et mes enfants ont faim… Venez les voir et, si vous avez pitié, aidez une mère.

— Est-ce loin ? interrogea Aurett émue.

— Dix minutes à peine.

— Eh bien, ma pauvre femme, montez dans la voiture et dites au cocher où il doit nous conduire.

La sicilienne obéit après quelques façons. Elle lança l’adresse à l’automédon et la voiture s’ébranla, se dirigeant vers l’ouest de la ville.

Aux questions de l’anglaise, la femme répondait : Elle avait trois enfants, six ans, quatre et deux. La misère l’avait rendue malade. Trois mois on l’avait disputée à la mort au Grand-Hôpital. À sa sortie elle avait trouvé les petits pleurant près du lit où gisait leur père déjà froid. Il était