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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/413

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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

à donner de l’argent, et que ces brigands ne désirent pas autre chose ; il est à souhaiter que l’on ne découvre pas leur retraite, car c’en serait fait de la jeune demoiselle.

L’officier fit un geste énergique :

— Chien de pays, gronda-t-il !… Ah ! j’aime mieux ma Lombardie… Moi je suis de Milan, on est civilisé par là.

— Mais alors, bégaya Murlyton éperdu, la loi italienne est impuissante à protéger les sujets de Sa Majesté britannique.

— À peu près… Soyez certain cependant que mes soldats feront de leur mieux.

— Et moi, ne puis-je ?…

— Vous ? Attendez ! ne quittez pas votre demeure. Demain, sans nul doute, vous recevrez un billet qui vous apprendra le chiffre auquel les « Braves de la montagne » évaluent mademoiselle votre fille. Surtout, rassurez-vous. Elle ne courrait un danger réel que si vous refusiez d’acquitter la rançon.

Bien que son cœur battit à lui briser la poitrine, bien que sa souffrance morale fut au moins égale à celle du pauvre père, Lavarède eut conscience que le capitaine disait vrai.

Guidant son ami chancelant, il revint à l’hôtel. Les deux hommes veillèrent ensemble. Il leur eut été impossible de dormir, et ils éprouvaient une satisfaction douloureuse à s’entretenir de celle qu’ils aimaient différemment, mais aussi tendrement l’un que l’autre.

Le jour remplaça la nuit. Les heures se succédèrent. Les horloges de la ville sonnèrent huit, puis neuf, puis dix coups. Le Parisien ne tenait plus en place. À midi précis il devait s’embarquer. Et à l’idée que, lié par son engagement, il lui faudrait partir sans connaître le sort de sa bien-aimée, il ressentait une peine aiguë et profonde, comme un déchirement de tout son être.

Onze heures et toujours rien ! Soudain un pas pressé résonna dans le corridor, et Gabriela Toronti ouvrit la porte. Elle tenait une lettre à la main.

— Pour le signor Inglese, dit-elle, on vient de trouver cette enveloppe sur la table du bureau.

Murlyton avait déjà saisi la missive. D’un geste impatient il l’ouvrit. Mais à peine y eut-il jeté les yeux qu’il poussa un cri désespéré.

— Qu’est-ce, au nom du ciel ? balbutia le Parisien bouleversé.

L’Anglais lui passa le papier.