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LA MAFFIA.

même. Caché dans la maison de Fierone, je voyais dans la chambre et j’ai suivi la scène. L’Anglais a avoué qu’il ne possédait pas un million. Parbleu, sans cela, nous aurions demandé davantage !… Puis il a donné de l’argent au jeune homme. D’où j’ai conclu ceci : bête comme un fiancé, Armand a sacrifié sa fortune pour sauver sa belle.

— Les renseignements que vous aviez étaient donc absolument exacts ?…

— J’en étais sûr. Le banquier de Calcutta qui me les a donnés — alors que je passais pour un grand explorateur — possédait un tableau des fortunes anglaises. J’ai quelques propriétés là-bas et elles y figuraient à un penny près. Voilà pourquoi j’ai cru au reste. Mais laissons ce sujet. Retournez auprès de la petite, moi je me réserve le papa.

Les deux coquins se serrèrent la main, Bouvreuil prit le chemin du palais de la Gloriosa Italia.

Don José Miraflor s’enfonça dans le quartier populeux où était détenue Aurett. Tout en marchant, il monologuait :

— Pourquoi pas ! l’idée était bonne. Le vieil Anglais sera furieux, c’est évident ; mais il faudra bien qu’il s’amadoue.

Et un sourire sinistre écartait ses lèvres. Bientôt il atteignit une rue. Un écriteau à demi brisé portait « via Capranica ». Il s’arrêta à l’une des dernières maisons, longea un corridor sombre et pénétra dans la pièce, où la jeune fille, sous la garde de quatre gredins, était prisonnière depuis la veille.

José parla bas aux Siciliens. Ceux-ci sortirent, le laissant seul avec la captive. Alors, il vint à elle, et, narquois, menaçant :

— Mademoiselle, fit-il, à Cambo, on a interrompu notre conversation commencée ; ici, je l’espère, il n’en sera pas ainsi.

— Que voulez-vous dire ? murmura la jeune fille.

— Ceci. Mandé par une lettre, votre père vient ici. Il tombera dans le corridor d’entrée, percé de coups de couteau, si vous n’êtes mon épouse.

Et comme Aurett gardait le silence, épouvantée.

— Un bon moine habite tout près. Faut-il le prévenir. Il nous aura bénis avant l’arrivée de sir Murlyton.

L’Anglaise courba le front. Il lui fallait céder, renoncer au fiancé qu’elle avait choisi, sans cela son père serait assassiné. Et d’une voix basse, déchirante, elle dit :

— Prévenez le moine, mais épargnez mon père.

José poussa une exclamation de triomphe, mais soudain il se produisit dans le couloir comme un bruit de tempête.