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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

Un instant le jeune homme demeura immobile. Une joie intense chantait en lui. Aurett ne courait plus aucun danger. Et c’était elle, la chère enfant, qui lui disait, dans la sécheresse laconique du télégramme :

— Poursuivez votre route. Mon cœur est avec vous, je veux que vous arriviez vainqueur.

Quelques secondes accordées au sentiment, et puis le Parisien se retrouva plein d’ardeur.

Il fallait des certificats. Tout d’abord celui du capitaine du Santa-Lucca. Celui-ci ne fit aucune difficulté d’attester que pendant la traversée de Messine à Livourne, du 29 février 1892 au 5 mars, Armand avait rempli avec zèle et habileté les fonctions de mécanicien à son bord, et ce sans aucune autre rétribution que sa nourriture.

Il octroya non moins gracieusement à ce marin modèle quelques feuilles de papier à lettre. Et, séance tenante, Lavarède plaça sous enveloppe les deux cents francs empruntés à sir Murlyton, convertis en un chèque par les soins du capitaine Antonell.

De sa plus belle écriture, il moula cette suscription :

« À maître Panabert
« notaire
« Rue de Châteaudun
« Paris
« Pour remettre à sir Murlyton, Esquire. »

Une fois à terre, la « blague » reprit le dessus.

— J’ai vingt-cinq centimes à dépenser. C’est le prix d’un timbre-poste dans tous les pays de l’union postale : rien ne m’empêche donc d’affranchir ma lettre à maître Panabert.

L’épître jetée à la poste, le voyageur se préoccupa d’obéir à la dépêche de ses deux amis.

Le patron d’une tartane complétant son équipage l’embaucha, et de Livourne à la Spezzia et à Gênes, il apprit le jour, la manœuvre de la voile latine ; la nuit, la pêche à la traîne.

À Gênes, il passa sur une autre barque et jusqu’à Vintimiglia, fit successivement la guerre au thon, à l’éponge commune et au corail rose.

Une journée de marche pédestre sur la merveilleuse route de la corniche d’en haut, amena le journaliste à Monaco, où, pour arriver à Nice, il suivit la corniche d’en bas, au bord de la mer.