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Page:Ivoi Les cinq sous de Lavarède 1894.djvu/65

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LES CINQ SOUS DE LAVARÈDE

parages avec un compatriote. Il n’en trouva point d’assez naïf, ou d’assez bavard, pour s’ouvrir à lui, tout futé, tout madré qu’il fût. Il attendit une occasion que sa bonne étoile devait lui envoyer.

Mais, entre temps, il écrivit à sa fille, à sa Pénélope, pour lui dire que Lavarède était invisible et introuvable.

« Errant dans une république quelconque du Sud, et séparé de toute communication régulière par la double chaîne des Cordillères des Andes, il en a pour plusieurs mois avant d’arriver dans un pays où les relations soient aisées et les chemins civilisés, pour ainsi dire. Tu peux être tranquille. L’original de tes rêves ne réussira pas dans sa sotte entreprise. Je ne lui souhaite qu’une chose, c’est de ne pas s’enliser dans la lagune de Maracaïbo, de ne pas se perdre dans les marécages de la Magdalena, ou de ne pas tomber du haut des 5 400 mètres du Tolima, s’il tente de se rapprocher de Panama (ne t’étonnes pas si ton père est devenu si fort en géographie, c’est un ingénieur de l’isthme qui m’a donné ce renseignement).

« Nécessairement, c’est de ce côté-ci qu’il doit revenir, car c’est d’ici seulement que partent les navires dans toutes les directions du monde. Il est assez fou pour essayer de continuer sa route ; mais, avant qu’il s’y hasarde, je soulèverai quelques obstacles qui viendront se joindre au plus dangereux de tous, le temps. En effet, les semaines passent, elles deviennent des mois ; et ton bel Armand sera bien heureux, lorsque sonnera la date fixée, de retrouver la fille au papa Bouvreuil. »

Quant à don José, il était à remarquer qu’une fois débarqué, il avait éteint sa morgue castillane et semblait vouloir se faire tout petit, afin de passer inaperçu. C’est qu’à Colon, on était dans l’État de Panama, l’un de ceux qui forment les États-Unis de Colombie. Et l’aventurier ne tenait pas à se faire remarquer des autorités colombiennes.

Il disparut même complètement pendant deux jours, sans que ses compagnons pussent s’expliquer cette éclipse. Nous qui savons tout, rien ne nous empêche de le dire. Don José, en réalité fils d’un Guaymie, issu de quelque péon indien misérable, était allé jusqu’à Miraflorès, petit bourg situé sur le versant du massif montagneux qui regarde l’océan Pacifique. Là, il avait embrassé sa bonne femme de mère, travaillant à quelque bas emploi dans une exploitation agricole, une cafetale ou hacienda de café. Bon fils, tout au moins, il lui avait laissé quelques piastres, lui en promettant davantage lorsqu’il occuperait son poste de préfet de Cambo.

Voilà donc précisée la nationalité jusqu’ici indécise de ce rastaquouère. Miraflorès était le nom de son village natal. D’origine, il était donc Colom-