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SUR LA TERRE AMÉRICAINE.

bien. Mais ses aventures, qui en avaient fait successivement un Vénézuélien, puis un Guatémaltèque, l’avaient définitivement établi Costaricien. Là, seulement, il s’était prononcé pour l’un des prétendants à la présidence et s’était attaché à sa fortune. Nous avons vu que, pour le moment, José avait bien fait.

Lorsqu’il reparut à Colon, ce fut pour annoncer son départ immédiat.

Par la voie de terre, cela ne lui semblait ni sûr, ni rapide. Des navires de commerce partent constamment pour Limon, le port de Costa-Rica sur l’Atlantique, comme Puntarena est celui du Pacifique. Un chemin de fer isthmique les relie, du reste, l’un à l’autre, depuis quelques années. José retrouva son emphase habituelle pour faire ses adieux à la famille Murlyton.

— Ce n’est point adieu, miss, que je vous dis, mais au revoir. Je vais prendre possession du gouvernement que me confie la nation (185 000 habitants, en y comprenant les Indiens !…), et j’espère vous y revoir et vous y recevoir… Quand le soleil a vu la rose de l’Angleterre, c’est elle désormais qui lui envoie ses rayons. Il n’a plus qu’à s’éteindre devant la beauté blonde et pure !

Le compliment, qui laissa froide « la rose d’Angleterre », enthousiasma Bouvreuil. Il dit à son complice, en l’accompagnant sur le port :

— Quoi qu’il arrive, j’amènerai sir Murlyton à prendre la route de terre.

— On pourrait lui faire savoir que Lavarède est dans l’État de Costa-Rica, dans une ville que je désignerai.

— Oui, ce moyen peut-être…

— J’enverrai des relais de mulets jusqu’à la frontière et, en passant par la Sierra, je me charge du reste !

Bouvreuil, redoutant quand même un retour offensif de Lavarède, n’était pas fâché de se conserver l’aide de José. Cela lui assurait au moins que les millions personnels de la « rose » très dorée n’iraient pas à lui, comme compensation de l’héritage du cousin. Ça valait encore mieux que de faire assassiner son futur gendre.

Cependant la semaine s’écoulait. Le délai fixé par Lavarède approchait, et l’on n’entendait pas encore parler de lui. Bouvreuil se montrait enchanté ; il avait fini par faire la connaissance d’un certain Gérolans, conducteur de travaux, qui lui indiquait un tas de choses peu connues sur le pays, et qu’il appelait « Monsieur l’Ingénieur », gros comme le bras.

Sir Murlyton et miss Aurett demeuraient calmes et tranquilles. Ils occupaient leur temps à des promenades dans la direction opposée aux