Page:JORF, Débats parlementaires, Sénat — 10 juillet 1940.pdf/4

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publique. Venus Afrique du Nord avec services questure et commandant militaire du Palais-Bourbon sur décisions présidences Sénat et Chambre en accord avec Gouvernement et pour le rejoindre. Essayons vainement depuis 24 juin rentrer pour collaborer relèvement de la patrie. (Interruptions.) En sommes d'autant plus surpris que Gouvernement a fait savoir par presse et radio que toutes mesures étaient prises pour faciliter retour parlementaires. Or, tandis que collègues Algérie peuvent rentrer, gouverneur général nous fait savoir qu'aucune instruction n'est donnée pour notre retour. Nous élevons contre obstacle apportée exercice notre mandat et exprimons regrets ne pouvoir participer aux débats et aux scrutins. Vous prions constituer nos collègues juges de la situation qui nous est ainsi faite. Avec tous nos sentiments distingués et respectueusement dévoués. »

M. Édouard Herriot. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Édouard Herriot.

M. Édouard Herriot. (Applaudissements sur divers bancs.) Je demande à l'Assemblée de bien vouloir m'écouter pendant quelques instants sans passion. Je voudrais l'empêcher de commettre une injustice. Je manquerais de courage et personne ne m'en estimerait si je ne venais apporter ici aux collègues dont on a donné les noms le témoignage auquel ils ont droit.

J'atteste sur l'honneur et je suis prêt à démontrer par les pièces les plus précises, par des documents incontestables, que nos collègues sont partis sur des instructions régulières du Gouvernement,...

M. Georges Scapini. Je demande la parole.

M. Pierre Laval, vice-président du conseil. Je la demande également.

M. Édouard Herriot. ...instructions qui leur ont été par moi transmises et dont je garde le texte.

M. Georges Cousin. Mais nous, nous n'avons pas accepté.

M. Édouard Herriot. Ils ont été munis de bons d'embarquement réguliers. Le bon sens, au reste, suffit à démontrer que, s'ils se sont embarqués sur un paquebot de l'importance du Massilia, c'est que ce paquebot avait été frété et mis à leur disposition par le Gouvernement.

J'ai fait toutes les démarches possibles pour leur permettre de rejoindre. Je n'y ai pas réussi. Je m'en excuse auprès d'eux, mais je suis, ou j'ai été, président de la Chambre des députés et, jusqu'au bout, quel qu'il soit, je remplirai mon devoir, préférant à un silence habile des paroles de droiture. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. Je tiens à confirmer entièrement les paroles de M. le président de la Chambre des députés en ce qui concerne les conditions d'embarquement du seul sénateur présentement en Algérie, mon collègue M. Tony Révillon.

La parole est à M. le vice-président du Conseil.

M. Pierre Laval, vice-président du conseil. Je regrette que, dans le débat d'aujourd'hui, cet incident ait été soulevé.

Je n'étais pas membre du Gouvernement au moment où les faits se sont passés et où le départ a eu lieu ; mais j'ai le souvenir précis que, s'il est exact que des membres du Gouvernement et le Gouvernement avaient envisagé le transfert du siège du Gouvernement de Bordeaux à Perpignan, une parole de sagesse et de noblesse — et cela ne vous surprend pas — avait été prononcée par le maréchal Pétain, qui avait dit : « Quoi qu'il arrive, moi, je resterai au milieu de mes concitoyens. » (Applaudissements.)

J'ai eu moi-même l'occasion de dire que ce n'est pas en quittant la France qu'on peut la servir. (Applaudissements.)

Mais, cela étant rappelé, il est vrai qu'un bateau ne peut appareiller sans un ordre du Gouvernement.

Sur le fond, je ne conteste aucune des paroles, soit de M. le président de la Chambre, soit de M. le président du Sénat.

Comme membre du Gouvernement actuel, j'indique que, lorsque les parlementaires ont demandé à rentrer, la commission de Wiesbaden, en vertu même des clauses de l'armistice, a été saisie d'une demande de moyen de transport. Je ne vous apprends rien, à vous qui connaissez ces clauses, en disant que la France est obligée d'accomplir cette formalité.

Aucune réponse n'est présentement parvenue. En droit parlementaire, l'attitude du Gouvernement est donc correcte.

Je vous demande, messieurs, de ne pas passionner ce débat (Très bien ! très bien !) de ne rien ajouter. La tâche que nous avons à remplir est trop importante ; les décisions que nous avons à prendre sont trop graves, puisqu'il s'agit de l'avenir du pays. Ce n'est point de mes lèvres que tomberont des paroles qui pourraient provoquer en un moment aussi douloureux pour la France des passions qui troubleraient notre Assemblée. (Applaudissements.)

M. le président. Déférant au désir que M. le vice-président du conseil vient d'exprimer, je propose à l'Assemblée de clore l'incident en agréant les regrets de nos collègues et en leur donnant acte de leur protestation. (Assentiment.)

L'incident est clos.


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ADOPTION DU RÈGLEMENT

M. le président. Pour la procédure de ses délibérations et la discipline de la séance, je propose au congrès d'adopter le règlement de l'Assemblée nationale précédente.

M. Fernand Bouisson. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Fernand Bouisson.

M. Fernand Bouisson. Messieurs, je crois qu'après le débat de la séance de ce matin, l'Assemblée sera d'avis d'appliquer une disposition règlementaire que nous avons adoptée à la Chambre des députés et qui permet d'éviter les longueurs d'un débat.

L'article 50 bis du règlement de la Chambre dit qu'on doit mettre aux voix, sur la demande du Gouvernement, d'abord les projets du Gouvernement.

Je demande donc, pour éviter un débat très long et inutile, puisque chacun est fixé, de vouloir bien appliquer à l'Assemblée nationale l'article 50 bis du règlement de la Chambre indiquant que le projet du Gouvernement doit être mis d'abord aux voix. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. Je donne connaissance à l'Assemblée de l'article 50 bis du règlement de la Chambre des députés.

« Avant l'examen des contre-projets ou avant l'examen de l'article premier, le Gouvernement peut demander la prise en considération en faveur de son texte régulièrement déposé. Il peut, au cours de la discussion, faire la même proposition pour un ou pour plusieurs articles.

« Cette demande a la priorité sur les contre-projets ou sur les amendements.

« Le débat sur cette demande ne pourra être limité ni pour le nombre des orateurs, ni pour la durée du temps de parole, mais la clôture pourra toujours être prononcée. Sur la clôture, la parole ne peut être accordée qu'à un seul orateur, qui ne pourra la garder pendant plus de cinq minutes. » (Très bien ! très bien !)

La parole est à M. le vice-président du conseil.

M. Pierre Laval, vice-président du conseil. Le Gouvernement demande l'application à l'Assemblée nationale du texte règlementaire dont M. le président vient de donner lecture.

Il demande, en outre, conformément à ce texte, la prise en considération du projet de loi constitutionnelle dont l'Assemblée nationale est saisie.

Cela ne signifie pas que les membres de l'Assemblée qui ont déposé un contre-projet n'auront pas le droit de s'expliquer librement à la tribune.

M. le président. Le Gouvernement donne son adhésion à la proposition de M. Fernand Bouisson.

Il n'y a pas d'opposition ?...

La proposition est adoptée.

Le règlement ainsi modifié est adopté.

Je rappelle à MM. les membres de l'Assemblée nationale que les bulletins de vote du Sénat et de la Chambre des députés ne sont plus valables et que des bulletins de vote spéciaux ont été mis en distribution depuis ce matin dans la salle des conférences.

Je dois aussi rappeler à l'Assemblée les termes de l'article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 :

« Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. »

Ces termes : « ...membres composant l'Assemblée nationale » ont toujours été entendus en 1879, 1884 et 1926 de la façon que voici :

Par « membres de l'Assemblée nationale » on a entendu le nombre légal des membres composant l'Assemblée, c'est-à-dire le nombre des sièges des deux Assemblées.

Pratiquement, je puis indiquer, dès à présent, que la Chambre des députés comportant 618 membres, le Sénat 314, au total 932, la majorité constitutionnelle serait de 467. (Vives interruptions.)

Voix nombreuses. Et les déchus ?

M. le président. Mon devoir est de demander à l'Assemblée si elle admet et veut maintenir cette interprétation.

Plusieurs voix. Il ne faut pas compter les communistes déchus.

M. le président. La parole est à M. Mireaux.

M. Émile Mireaux. Mes chers collègues, l'Assemblée nationale est toujours, je crois, maîtresse de son règlement. Je ne rencontrerai pas sur ce point d'opposition.

M. le président. Il ne s'agit pas en ce moment, mon cher collègue, du règlement de l'Assemblée, mais de l'interprétation de l'article 8 de la loi constitutionnelle.

M. Émile Mireaux. Il s'agit, en effet, d'interpréter l'article 8 de la loi constitutionnelle. Les Assemblées nationales précédentes ont donné leur interprétation de cette loi. Dans ces conditions, la présente As-