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Page:JORF, Lois et décrets — 01 décembre 1880.pdf/27

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surtaxes sur les vins et les alcools à l'octroi de Saint-Maixent (Deux-Sèvres) ;

Le 2e, ayant pour objet la prorogation des surtaxes sur les vins et spiritueux à l'octroi de Privas (Ardèche).

M. le président. Les deux projets seront imprimés, distribués et renvoyés à la commission d'intérêt local.

L'ordre du jour appelle la suite de la 2e délibération sur : 1° la proposition de loi de MM. Charles Boysset, Menier et Laroche-Joubert, relative aux élections des juges des tribunaux de commerce ; 2° le projet de loi relatif à l'élection des juges consulaires.

Je donne lecture de l'article 1er :

« Article 1er. — La loi du 21 décembre 1871 sur les élections des tribunaux de commerce est abrogée et remplacée par les dispositions suivantes : »

M. Laroche-Joubert a déposé un contre-projet dont l'article 1er est ainsi conçu :

« Le vote est obligatoire pour tous ceux qui voudront jouir du droit d'être électeurs commerciaux. »

Suit une série de dispositions comprenant huit articles.

M. Laroche-Joubert a la parole.

M. Laroche-Joubert. Messieurs, le reproche principal que l'on fait à l'application du suffrage universel à l'élection des juges consulaires est que généralement les électeurs, les petits commerçants, ne se rendent pas au scrutin, et que le nombre des électeurs inscrits est considérablement plus important que celui des votants. Frappé de cette objection à notre proposition de loi, objection qui a bien son importance, j'ai proposé un contre-projet ainsi conçu :

« Art. 1er. — Le vote est obligatoire pour tous ceux qui voudront jouir du droit d'être électeurs commerciaux.

« Art. 2. — Pendant les dix jours qui suivront le dépôt des listes des électeurs commerciaux aux greffes des tribunaux de commerce et des justices de paix, tout inscrit aura le droit de demander sa radiation, s'il ne lui convient pas d'user de ce droit électoral.

« Art. 3. — Tout électoral commercial qui ne se sera pas fait rayer de la liste dans le délai ci-dessus prescrit, et qui, sans justifier d'un empêchement légitime, aura négligé d'aller prendre part au vote, sera passible d'une amende de 5 fr.

« Art. 4. — Tout électeur qui aura subi trois amendes sera privé de son droit électoral pendant cinq ans.

« Art. 5. — Tout électeur qui aura subi cinq amendes sera privé de son droit électoral pendant dix ans.

« Art. 6. — Tout électeur qui aura subi plus de cinq amendes sera privé de son droit électoral à tout jamais.

« Art. 7. — Les bureaux électoraux seront juges de la légitimité des empêchements.

« Art. 8. — On pourra appeler de leur décision devant le juge de paix, qui statuera en dernier ressort. »

Il est évident qu'il n'y a aucune espèce d'intérêt à ce que ceux qui ne veulent pas prendre part au vote pour les élections consulaires soient inscrits sur la liste des électeurs. Mais, s'il n'y a pas intérêt à ce que ceux-là votent qui n'y tiennent pas, il y a intérêt à ce que ceux qui tiennent à être électeurs et à figurer sur la liste prennent part au scrutin.

Du moment où on n'est pas forcé d'être électeur, il est juste que si on a permis son inscription sur la liste électorale on soit obligé d'user du droit dont s'est prévalu.

Je me borne à ces courtes explications. Si quelqu'un a des objections à faire à mon amendement, je me réserve d'y répondre.

M. Charles Boysset, rapporteur. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Boysset, rapporteur. Messieurs, quelque important que soit le contre-projet présenté par M. Laroche-Joubert, la commission a cru devoir le repousser dès l'origine, et elle maintient aujourd'hui son sentiment à cet égard. Voici en deux mots nos motifs :

M. Laroche-JOubert édicte une obligation, une nécessité obligatoire et légale de vote pour tous les commerçants inscrits sur la liste électorale.

Or il y a un point de vue général qui domine évidemment la question spéciale relative aux élections consulaires. La question de l'obligation du vote en matière d'élections consulaires, comme en matière d'élections politiques, a souvent été discutée ; jusqu'à présent elle a toujours été tranchée dans un sens contraire au sentiment exrpimé par M. Laroche-Joubert. Nous estimons qu'il faut ici une solution unique.

Et quant à nous, appelés à faire connaître aujourd'hui sur ce point notre opinion, nous disons ceci : Lorsqu'il s'agit de l'exercice des droits civiques, ce n'est pas par la contrainte qu'il faut procéder ; ce n'est pas à des dispositions pénales qu'il faut faire appel, mais simplement aux moeurs de la liberté et à la nécessité comprise par tous d'exercer un droit précieux.

Tels sont les motifs sommaires qui ont déterminé la commission dont fait partie M. Laroche-Joubert a repousser l'amendement de notre honorable collègue. (Très bien ! très bien !)

M. Laroche-Joubert, de sa place. Je n'ai qu'un mot à dire. Il n'y a pas d'obligation de vote, quand on n'est pas forcé d'être électeur, puisque je laisse au commerçant la faculté d'être ou de n'être pas électeur ; mais du moment où il dit : Je veux être électeur, il me semble qu'on peut l'obliger à voter.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er du contre-projet de M. Laroche-Joubert.

(L'article 1er du contre-projet est mis aux voix et n'est pas adopté.)

M. le président. Le contre-projet se trouvant ainsi écarté, je mets aux voix l'article 1er du projet de loi.

(L'article 1er est mis aux voix et adopté.)

M. le président. Je donne lecture de l'article 2 :

« Les membres des tribunaux de commerce seront élus par tous les commerçants français, patentés depuis cinq ans au moins, par les capitaines au long cours et maîtres de cabotage ayant commandé des bâtiments pendant cinq ans, par les directeurs des compagnies françaises anonymes de finance, de commerce et d'industrie, par les agents de change et les courtiers maritimes, les uns et les autres, après cinq années d'exercice ; et tous, sans exception, devant être domiciliés depuis cinq ans au moins dans le ressort du tribunal. »

Nous avons au moins une série d'amendements sur cet article 2.

D'abord un amendement de M. Gatineau, qui a reçu, je crois, satisfaction.

M. Gatineau. Il a, en effet, reçu satisfaction et n'a plus raison d'être.

M. le président. L'amendement de M. Gatineau est retiré.

Ensuite, un amendement de M. Jozon.

Cet amendement est ainsi conçu :

« Ajouter après « les commerçants français, patentés depuis cinq ans au moins » les mots « ou anciens commerçants ne payant plus patente, s'ils n’exercent pas une autre profession et s'ils étaient déjà électeurs consulaires quand il se sont retirés du commerce ».

Le reste comme au projet.

M. Paul Jozon. J'ai reçu satisfaction partielle, et je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement de M. Jozon est retiré.

MM. Trarieux et Achard ont présenté un amendement ainsi conçu :

« Ajouter après les mots « les maires au cabotage », les mots suivants : « les courtiers et agents de change ».

M. Ribot. M. Trarieux est en congé.

M. le président. L'amendement n'étant pas soutenu, il n'y a pas lieu de le mettre aux voix.

Un membre. Cet amendement a d'ailleurs reçu satisfaction.

M. le président. MM. Hovius et Durant ont présenté l'amendement suivant :

« Seront portés sur la liste électorale, sous la même condition de nationalité et de domicile, les directeurs des compagnies françaises anonymes de finance, de commerce et d'industrie, les courtiers maritimes, les capitaines au long cours et les maîtres au cabotage, les uns et les autres après cinq ans d'exercice de leur profession. »

M. Tirard, ministre de l'agriculture et du commerce. Cet amendement a reçu satisfaction dans l'article 2.

M. le président. L'amendement est retiré.

Enfin M. de Gasté propose un paragraphe additionnel ainsi conçu :

« Ajouter à l'article 2 le paragraphe suivant :

« Les femmes exerçant le commerce seront inscrites sur les listes électorales aux mêmes conditions que les hommes et jouiront de tous les droits que la présente loi accordera aux électeurs. » (Exclamations et rires.)

La parole est à M. de Gasté.

M. de Gasté. Messieurs, les femmes ont dans beaucoup d'autres pays, notamment en Angleterre et aux États-Unis, des droits que les Français ne jugent pas convenable de leur accorder.

On dit que le peuple français est un peuple galant... (Rires.)

On a tort de louer en eux ce qui est blâmable au plus haut degré, et de féliciter les hommes qui se conduisent mal envers les femmes. J'aimerais beaucoup mieux qu'au lieu de se laisser aller à ces mauvais sentiments, on tachât de faire ce qu'on fait dans les pays voisins. Ainsi, en Angleterre, dans les conseils municipaux, les femmes ont des droits ; aux États-Unis, je ne sais pas s'il y a... (Bruit.)

Plusieurs membres. On n'entend pas ! — Parlez plus haut !

M. de Gasté. Je disais, messieurs, que nous ne pouvions mieux faire que de tâcher d'imiter les peuples qui augmentent les droits des femmes. En Angleterre, les femmes ont des droits dans la commune ; elles n'en ont point en France. Aux États-Unis, je ne crois pas qu'il y ait encore un État qui ait concédé aux femmes, dans les élections politiques, des droits égaux à ceux des hommes, mais il y a un territoire — c'est presque un État ; vous savez qu'en Amérique un territoire, pour devenir État, doit compter 100,000 ou 140,000 âmes — mais que l'on s'y gouverne à peu près comme dans un État, sauf qu'on ne peut pas envoyer au congrès de sénateur ou de député. — Il y a un territoire où les femmes ont des droits politiques égaux à ceux des hommes. Pour ma part, je n'y vois aucun inconvénient ; je crois que la femme peut être aussi honnête, aussi dévouée, aussi intelligente que l'homme, et ces trois conditions sont celles qui doivent donner le plus de titres partout.

On fait une objection ; on dit : Aux États-Unis, en Angleterre, il n'y a pas de conscription ; par conséquent, les hommes et les femmes vis-à-vis de la guerre ont les mêmes droits ; mais en France, elles ne sont pas soldats ; on ne peut leur accorder des droits politiques, puisqu'elles ne sont pas appelées à défendre leur pays.

Cette raison est sans valeur, car, si elles ne font pas la guerre, la nature leur a imposé les dangers de la maternité, qui sont beaucoup plus grands pour elles que les dangers de la guerre ne le sont pour les hommes.

Je suis partisan de la paix ; je suis membre