Page:Jaëll - L’intelligence et le rythme dans les mouvements artistiques, 1904.pdf/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
LE TOUCHER CONTRAIRE

conceptions inverses, par des conceptions en miroir totalement opposées, quoique tout à fait semblables.

Le merveilleux équilibre de notre tonicité musculaire n’est-il pas lui-même l’image d’une force régulatrice permanente que nous portons en nous ? Néanmoins cette tonicité ne subsiste que par les contrastes d’orientation, qui constituent son essence même.

Ces phénomènes primordiaux restent, comme le mécanisme initial de nos sensations complémentaires, de notre conscience double, impénétrables pour chacun de nous ; nous voyons néanmoins dans le phénomène du vertige, l’harmonie des formes perçues se désagréger comme si elle n’avait été qu’un composé de sensations dont la cohésion n’est réellement qu’une condition de l’équilibre qui s’établit dans nos perceptions elles-mêmes.

Je dois dire que cette nécessité absolue de contrastes, qui se retrouve jusque dans les moindres phénomènes de conscience, me fait croire à l’existence d’une espèce d’égalité de la force inhérente à toute chose, de sorte que les choses elles-mêmes ne me paraissent différentes que parce qu’elles ne me permettent pas de pénétrer avec une égale intensité cette force. Pour cette raison, je ne puis concilier la conformité de structure de mes deux mains avec l’idée d’avoir une main adroite et une main maladroite ; il me semble que la main gauche est la main complémentaire, c’est-à-dire la main faite pour être couverte[1] par l’autre, ou pour tendre vers un but

  1. Ce mot sera plus amplement expliqué par la suite.