Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/16

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— Nous sommes qui, de quoi ? Demanda Bour en riant.

— Hé, de la régie, parbleu !

Bour et Pélissard ne purent s’empêcher de rire. Je fus sur le point de les imiter ; mais je me contins. D’un clignement d’œil, je leur fis comprendre l’avantage que nous pourrions tirer de cette erreur.

Puis m’adressant au bonhomme :

— Que voulez-vous, mon brave, on ne peut rien vous cacher.

Sa figure s’éclaira d’un large sourire en homme satisfait de sa sagacité. Tout en causant, je lui mis la conscience à l’aise, en lui racontant qu’il nous était arrivé un accident de bicyclette sur la route de Poix.

— Nous ne venons pas pour une prise, lui dis-je, mais tout simplement pour prendre le premier train.

— Et qu’avez vous fait de vos machines ? Me demanda-t-il, doutant de la véridicité de mon histoire.

— Nous les avons confiés à l’un des charretiers que nous avons rencontrés sur la route et qui allaient à Abbeville.

— Où les avez-vous rencontrés ces charretiers ?

— Presque en face de la gendarmerie.

— Il y a longtemps ?

— Une heure environ.

Il consulta la pendule, puis :

— C’est vrai ce que vous dites, me dit-il d’un air convaincu. C’est moi même qui leur ai ouvert la barrière. Alors vous ne venez pas pour… Il ne finit pas sa phrase mais je compris ce qu’il voulait dire.

— Non, non ; tranquillisez-vous. L’accident de nos machines est seule cause de notre présence ici.

Ces quelques éclaircissements clair-obscurs le rassurèrent complètement. De ce moment, il ne fut plus question de notre prétendue fonction. Peu de temps après notre installation dans la guérite, Bour et Pélissard s’endormirent tout en étant assis. La fatigue et la chaleur du poêle contribuèrent beaucoup à cette somnolence. Aucun doute que je les eusse imités si je n’avais usé de toute mon énergie. Je n’étais pas encore rassuré sur les intermittents drin-drin du télégraphe. Je craignais toujours