Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/24

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— Quoi ! Des armes ! S’écrièrent avec terreur Pruvost et Auquier.

— Oui, des armes… Et après ?…

À ces mots, la lutte commença. Elle dura peu, mais elle fut acharnée. Brutalement, Pruvost se jeta sur Pélissard, en le saisissant par-derrière, à bras-le-corps. Ainsi enlacé, Pélissard se trouvait dans une bien mauvaise posture ; et quoiqu’il soit doué d’une assez grande force musculaire, il n’aurait certainement pas eu le dessus si Bour ne fût venu à son secours. Ce dernier, voyant le danger que courait son camarade, n’hésita pas à faire feu sur l’agent qui, atteint en plein cœur, lâcha Pélissard, et s’affaissa à terre, sur les genoux, en murmurant :

— Je suis mort !

Aussitôt dégagé, Pélissard montra la supériorité de ses jarrets en prenant la fuite, sans s’occuper de ses compagnons.

Auquier, lui, s’avança vers moi, en cherchant à m’empoigner le bras afin de me désarmer ; mais je le fis lâcher prise aussitôt en le piquant à la hanche gauche avec mon poignard. Au même moment, Nacavant, Nacavant le garde-sémaphore, le même qui quelques minutes avant nous avait serré la main, voulant se montrer ce qu’en langage civique on appelle un citoyen dévoué, vint prêter main-forte aux agents. Entré sur le lieu de la scène par la porte qui donne accès sur le quai de la voie, il me prit brutalement par-derrière et m’envoya bouler au fond de la pièce. La surprise de l’attaque et la brutalité avec laquelle je fus poussé me firent étaler sur le plancher, de tout mon long. Naturellement je voulus me relever aussitôt ; mais Auquier et Nacavant y mirent obstacle. Ils se précipitèrent furieusement sur moi : l’un me tenant le bras gauche à hauteur du poignard et m’appuyant fortement ses genoux dans le dos afin de me maintenir courbé en deux, les genoux à terre ; l’autre me tenant le bras droit en faisant tous ses efforts pour m’arracher le revolver de la main. Ainsi tenu, ma position était des plus critiques. À un moment, le canon de mon arme se trouva braqué sur ma poitrine dans la région du cœur. Et c’est vraiment un miracle que le coup ne soit pas parti sous la pression des mouvements que les contractions nerveuses faisaient subir à mes doigts. Pendant quelques secondes, je demeurai ainsi entre la vie et la mort. Heureusement pour moi, Bour vint me tirer d’embarras. Dès qu’il eut dégagé Pélissard, il s’avança dans le fond de la pièce, en mettant en joue Nacavant.

— Grâce ! Grâce ! S’écria le citoyen dévoué avec terreur.