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Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/52

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Je lui ris au nez. N’était-ce pas ce que j’avais de mieux à faire ? Aggraver mon cas ? Idiot, va ! Sans doute, avait-il entendu cet argument dans le cabinet de quelque juge d’instruction et, bonassement, comme une merveille, il me le répétait.

Voyant le peu d’effet que me produisait la menace de son collègue, un autre reprit :

— C’est pas la peine de cacher votre nom. On le sait déjà.

« Niédasé ! De plus en plus fort, pensai-je. Celui-là doit être de mon pays. » Et, toujours souriant, je haussai les épaules.

— C’est égal, vous ne les avez pas manqués, me dit enfin un troisième venant à la rescousse de ses collègues. Pruvost est mort, Auquier ne vaut guère mieux.

— Qui est-ce, Auquier ? lui demandai-je sans répondre à son « cuisinage ».

— Eh ! Vous le savez bien…

— C’est pas sûr, interrompit celui qui m’avait servi « l’aggravation ». On dit qu’ils ne sont pas d’Abbeville.

— C’est celui que vous êtes allé voir à l’auberge, me répondit un quatrième qui s’était tenu coi jusque-là. C’est le brigadier de police d’Abbeville.

— Ah !… Et il est gravement atteint ?

— Pour sûr. Il ne passera pas la nuit. Puis, doctement, il ajouta :

— Vous lui avez traversé le père Antoine.

— Parle donc français, lui dit l’un de ses camarades en le poussant du coude. On dit : le péritoine.

Puis, s’adressant à moi :

— Alors, vous ne niez pas ? Vous êtes bien l’un de ceux qui étaient ici, ce matin, là, dans cette pièce ?

De la main il désignait le plancher. Et, grimaçant un large sourire bête :

— Vous savez… avec nous il n’y a rien à craindre ; vous pouvez parler… Pas, que c’est vous qui avez tiré ? Ajouta-t-il confidentiellement.

— Je n’ai jamais dit et ne dirai jamais le contraire, lui dis-je avec hauteur. J’ai été attaqué. Je me suis défendu.

— Mais sur lequel avez-vous tiré ? Reprit-il vivement, la figure illuminé par la joie que lui causait son prétendu triomphe.

— J’ai fait feu dans le tas.